Adolphe Thiers (1797-1877) est surtout resté dans les mémoires comme le chef du Gouvernement qui négocie avec Bismarck puis fait écraser la Commune de Paris en 1871, avant de devenir le premier président de la Troisième République. On en oublie alors l'ensemble de sa carrière de journaliste et d'historien qui le mène tout de même à être élu à l'Académie Française alors qu'il a à peine 36 ans.
Le jeune Adolphe Thiers |
En 1822, Thiers n'a que 25 ans et veut voir du pays. Malgré des tracasseries administratives sans fin pour obtenir un visa, il se met en route jusqu'à Genève, visite la Savoie, la Provence puis se dirige vers les Pyrénées. Il publie ses impressions de voyage en 1823 sous le titre de Les Pyrénées et le Midi de la France pendant les mois de novembre et décembre 1822. Il y décrit son arrivée à Perpignan, qualifiée de pittoresque, et ses observations sur les autochtones. Quittant Perpignan tôt le matin, il se dirige ensuite vers Prades, et est alors impressionné par sa vision du massif du Canigou.
L'un des plus beaux spectacles que j'ai rencontré dans les Pyrénées, est celui dont je fus frappé en sortant de Perpignan, pour m'enfoncer dans les montagnes. C'était le matin, vers les six heures à-peu-près. Le froid était rigoureux, un vent impétueux et glacé soufflait des montagnes du Capsir, couvertes de neige ; et un jeune Roussillonnais, à la veste courte, au bonnet flottant, au visage court et vif, conduisait au galop quatre chevaux de Cerdagne, qui nous emportaient tout autour du Canigou. Entraînés par ce mouvement rapide, nous voyions se succéder tour-à-tour les têtes de ce mont superbe qui, placé à l'entrée des Pyrénées, les annonce d'une manière si imposante. La plaine n'avait encore reçu aucun rayon de soleil, lorsque tout-à-coup le Canigou reçut sur son front une teinte rose qui, se mariant à la blancheur des neiges, produisit une nuance d'une inexprimable douceur. Cette bande lumineuse s'agrandissant par l'élévation progressive du soleil, le pic supérieur semblait croître à mesure qu'il s'éclairait. Bientôt le mont tout entier fut inondé de lumière et de pourpre ; alors toutes ses formes, cachées dans l'obscurité se dessinèrent, à-la-fois, toutes ses saillies ressortirent, toutes ses profondeurs semblèrent s'enfoncer encore, et il parut acquérir une réalité qu'il n'avait pas. Le froid, le vent, la rapidité de la course ajoutaient à l'effet de ce grand spectacle ; le mouvement surtout le rendait enivrant. Mais cependant le plaisir n'était que pour les yeux ; le froid extrême ramenait les sens en eux-mêmes, et les empêchait de se répandre au-dehors.
Le massif du Canigou vu depuis les hauteurs de Perpignan |
Thiers poursuit sa route et finit par arriver à Prades où il a cette remarque qui montre bien la réalité du pays à l'époque :
Prades est le premier bourg un peu considérable que l'on rencontre après Perpignan, et c'est aussi le dernier. Les voitures ne peuvent aller au-delà, et on ne peut voyager que sur des chevaux.
Il continue ensuite vers Mont-Louis et décrit les routes de montagne qu'il emprunte, sans toutefois retrouver l'impression saisissante que lui a laissé le mont Canigou, véritable maître du Roussillon.
Source :
* Adolphe Thiers, Les Pyrénées et le Midi de la France pendant les mois de novembre et décembre 1822, Paris, Ponthieu, 1823 (via Gallica) [domaine public]
Photos :
* Portrait anonyme, XIXè s. (via Wikimedia Commons) [domaine public]
* Canigou : photo de Poune (via Wikimedia Commons) [CC-BY-SA]
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