samedi 27 février 2016

Visite au Pont de la Fou sur l'Agly en 1821

Une curiosité pittoresque pour Melling et Cervini

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Antoine Ignace Melling
Envoyés par l'Etat français pour parcourir les Pyrénées d'ouest en est en 1821, Joseph Antoine Cervini et Antoine Ignace Melling ont partagé leurs impressions dans un ouvrage paru en 1830 (Voyage pittoresque dans les Pyrénées françaises...) et dont je poursuis ici la retranscription. Ainsi que nous l'avons déjà vu, ils sont entrés dans le département des Pyrénées-Orientales, en provenance de Quillan, en se dirigeant d'abord vers Caudiès-de-Fenouillèdes. Ils sont ensuite allés visiter l'ermitage de Saint-Antoine-de-Galamus, qui les a fortement impressionné. Ayant traversé Saint-Paul-de-Fenouillet, ils se dirigent à présent vers le sud en direction du Pont de la Fou (écrit ici Pont de la Fous), et en reviennent un peu déçus, ainsi qu'ils s'en expliquent dans le texte retranscrit ci-dessous.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Saint-Paul-de-Fenouillet et le Pont de la Fou
sur la carte Cassini de 1779

Au retour de l'Ermitage de Saint-Antoine de Galamus nous allâmes visiter le Pont de la Fous sur l'Agly, situé à un petit quart d'heure de distance au sud-ouest de Saint-Paul. Ce pont qui n'est remarquable que par sa situation pittoresque, est à quelque pas d'un massif de rochers sous lesquels s'enfonce une caverne dont l'entrée s'ouvre au-dessus d'un goufre profond et inabordable. On conçoit qu'il puisse être considéré comme une curiosité par ceux des habitants du canton qui n'en étant jamais sortis n'ont pu voir des monuments du même genre dans les autres parties de la chaîne ; mais quant aux voyageurs qui ont parcouru les vallées du centre et de l'ouest des Pyrénées, nous ne les engageons pas à se détourner de leur route pour un objet si peu important, à moins qu'obligés de s'arrêter à Saint-Paul et en attendant les apprêts de leur repas, ils ne veuillent en faire un but de promenade.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Le Pont de la Fou

Manifestement ce petit pont d'origine romaine ne fait pas le poids par rapport  à tous ceux que nos deux voyageurs ont pu voir à travers les Pyrénées. C'est malgré tout un endroit charmant dont on trouvera la description sur le site de la commune de Saint-Paul-de-Fenouillet ici. Il tire son nom du latin fovea, qui désigne à l'origine une excavation, et dont le sens s'est ensuite élargi pour désigner des gorges ou des gouffres. Le nom de gorges de la Fou que l'on retrouve dans plusieurs endroits du département est donc une parfaite tautologie.

Sources :

  • Texte de 1821 : Rosalis (Bib. num. de Toulouse)
  • Etymologie : Lluís Basseda, Toponymie historique de Catalunya Nord, t. 1, Prades, Revista Terra Nostra,‎ 1990
Photos :

  • Portrait d'Antoine Ignace Melling : Pierre Roch Vigneron vers 1830 (domaine public, via Wikimedia Commons)
  • Carte Cassini de 1779 (domaine public, via le site de l'IGN)
  • Pont de la Fou : © site Saint-Paul-de-Fenouillet


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dimanche 7 février 2016

Une famille nombreuse récompensée à Perpignan en 1928

Le prix Cognacq-Jay pour une famille de onze enfants

Les lecteurs de « 66 Petites histoires du Pays Catalan » se souviennent peut-être que j'y mentionnais l'existence du Prix Jean S. Barès récompensant un guide de montagne, père de famille nombreuse et élevant au moins sept enfants à plus de 500 mètres d'altitude. Le bénéficiaire en 1928 en était un habitant de Baillestavy, vivant à 600 mètres d'altitude et père de neuf vaillants enfants, tous nés dans ce même village. Le prix d'une valeur de 2400 francs (1400 euros actuels) avait été attribué au mois d'août.

Quelques mois plus tard de cette même année, nous pouvons lire dans Le Cri catalan du 29 décembre une information concernant un autre prix similaire, mais bien plus conséquent, et bénéficiant cette fois-ci à un habitant de Perpignan, père de onze enfants et vivant dans le quartier Saint-Jacques.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Le Cri catalan du 29 décembre 1928

Les familles nombreuses

Prix Cognacq-Jay

En attendant que le gouvernement, au lieu de voter des milliards pour préparer la prochaine guerre, vienne en aide aux familles nombreuses autrement qu'en leur offrant des médailles qui ne sont même pas en chocolat - ce qui ferait la joie des gosses - louons les initiatives privées et plus particulièrement la fondation Cognacq-Jay, instituée par des philanthropes qui sortaient du peuple, qui apporte tous les ans un peu de bonheur dans les foyers malheureux.

Un de ces prix de 25 000 francs vient d'être attribué cette année à notre ami Montagne, demeurant Cote-du-Four-Saint-Jacques, 5.

Nul plus que nous ne pouvait se réjouir d'une si bonne nouvelle et nul autre que Montagne ne le méritait mieux. Car notre ami bien que jeune encore est déjà harassé par le travail écrasant qu'il a du s'imposer pour élever sa nombreuse famille.
Cette petite somme lui permettra d'acquérir la modeste maison qu'il habite avec ses onze enfants.

Nous en sommes infiniment heureux pour notre ami Montagne et les siens auxquels nous adressons nos bien cordiales félicitations.


Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Marie-Louise Jaÿ

Le prix Cognacq-Jay, d'une valeur de 25000 francs (en 1928 équivalent à 15000 euros de nos jours) avait éte institué en 1922 par les fondateurs des grands magasins de La Samaritaine, Ernest Cognacq et Marie-Louise Jaÿ, eux-mêmes sans enfants et, étant tous deux issus de milieux populaires, devenus logiquement philanthropes pour les familles modestes. Il était destiné à des familles d'«  au moins neuf enfants de même lit » et attribué à une famille par département. 1928 est justement l'année de la mort d'Ernest Cognacq, trois ans après son épouse Marie-Louise Jaÿ.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Ernest Cognacq

Source : Journal Le Cri Catalan du 29 décembre 1928, via le fonds numérisé de la Bibliothèque de Perpignan [domaine public]
Illustrations :
* Bandeau du Cri catalan du 29 décembre 1928 [domaine public]
* Photos d'Ernest Cognacq et de Marie-Louis Jaÿ : Auteurs inconnus, fin XIXème siècle [domaine public]

Pour rappel, toutes les histoires concernant Perpignan sont à relire ici.

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