dimanche 31 janvier 2016

Promenades scolaires pour les enfants de Caixas en 1882

Caixas, une commune jugée arriérée mais en progrès

On peut lire dans le Bulletin de l’enseignement primaire du département des Pyrénées-Orientales du mois de mars 1882 un rapport de l'inspecteur primaire auprès de l'inspecteur académique à propos de l'école de Caixas, petite commune des Aspres peuplée à l'époque d'un peu plus de 300 habitants (pour seulement 137 en 2013).



Les mots sont à la fois sévères, puisque notre inspecteur ne se prive pas de traiter la population de Caixas de « plus arriérée de l'arrondissement », mais en même temps plein d'espoirs du fait des progrès que ne manqueront pas de faire les enfants de la commune grâce au zèle sans limite de leur instituteur, que l'on imagine sans peine en digne représentant de ceux que l'on appellera un peu plus tard les « hussards noirs de la République ». Et en prime, celui-ci innove : il est en effet le premier instituteur du département à organiser des promenades scolaires. Il s'agit bien sûr, nous dit-on, d'apprendre à ces rustres enfants de paysans à enfin voir et comprendre le monde qui les entoure, dont ils ignoraient tout jusque là.


Monsieur l'Inspecteur, 

J'ai l'honneur de vous transmettre, et je suis sûr que vous lirez avec intérêt le rapport ci-joint de M. Bataille, instituteur à Caixas.

Il y a trois ans, Caixas passait, non sans raison, pour la commune la plus arriérée de l'arrondissement. Située en montagne, et composée d'habitations éparses, elle semblait, cette pauvre commune, devoir rester longtemps réfractaire au progrès. Grâce au zèle intelligent d'un jeune et modeste instituteur, elle a aujourd'hui une excellente école, une bonne bibliothèque et l'honneur de voir la première, s'organiser les promenades scolaires.

Ce que M. Bataille obtient à Caixas, ses collègues peuvent l'obtenir partout ailleurs, plus facilement que lui, pourvu qu'ils le veuillent. J'espère que l'exemple du jeune instituteur sera bientôt généralement suivi. J'espère que bientôt chaque école aura sa bibliothèque et aussi que bon nombre d'instituteurs auront organisé ces promenades scolaires du jeudi, si chères aux enfants, si fructueuses pour leur cœur et leur intelligence, quand elles sont bien dirigées.

Apprendre aux fils de laboureurs à voir la campagne, à en sentir le charme, à en comprendre la merveilleuse harmonie, c'est leur rendre un inappréciable service, plus grand peut-être que celui de leur apprendre à lire dans les livres des hommes. Et cela s'apprend, sans qu'il y paraisse, dans les promenades scolaires, conduites par un maître intelligent et dévoué. Je le sais par expérience ; je l'ai vu dans un pauvre arrondissement des Alpes. Les instituteurs du superbe Roussillon, sauront, comme M. Bataille, se mettre au niveau et même au-dessus de leurs collègues de l'Est.

Veuillez agréer, M. l'Inspecteur, l'hommage de mon respectueux dévouement.

L'inspecteur primaire,
S. Boiron

Perpignan, le 19 mars 1882.

Note : Il n'y a plus de nos jours d'école à Caixas et en 2015-2016 les douze écoliers originaires de cette commune sont inscrits dans les écoles de Llauro et Tordères. Sans doute font-ils encore des promenades !

Sources :
* Bulletin de l’enseignement primaire du département des Pyrénées-Orientales du mois de mars 1882 [domaine public] (via le fonds numérisé de la Bibliothèque municipale de Perpignan)
* Site internet de la commune de Tordères, section Ecoles.


Un autre article sur Caixas est à relire ici.

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samedi 9 janvier 2016

Né à Port-Vendres, pharaon à Hollywood

Un Ramsès II français dans un péplum biblique

L'acteur français Charles de Rochefort, né à Port-Vendres en 1887 fut une vedette à l'époque du cinéma muet, avant de se tourner vers le théâtre à partir des années 30. Il tient le second rôle dans une des plus grosses productions hollywoodiennes des années 20.

Le film


Le réalisateur Cecil B. DeMille (1881-1955) est encore bien connu aujourd'hui pour avoir réalisé en 1956 le film Les Dix commandements, au casting incroyable, avec Charlton Heston dans le rôle de Moïse et Yul Brynner dans celui de Ramsès II. Ce film est à l'époque le plus cher de tous les temps, ayant notamment nécessité plus de 10000 figurants et des milliers d'accessoires.

L'affiche du film de 1956

Mais on a oublié de nos jours que ce film est en fait un remake par Cecil B. DeMille de son propre film, également intitulé Les Dix commandements et réalisé en 1923, à l'époque du cinéma muet. Ce premier essai était déjà à l'époque une grosse production, ayant coûté très cher et nécessité plus de 2500 figurants et des décors gigantesques.

L'affiche du film de 1923

Les rôles principaux sont alors tenus par l'acteur américain Theodore Roberts (Moïse) et notre natif de Port-Vendres, l'acteur Charles de Rochefort (Ramsès II), crédité sous le nom de Charles de Roche.


Moïse n'est pas content face à Ramsès II

On peut voir dans l'extrait ci-dessous Moïse venant annoncer de nouveaux malheurs à Ramsès II faute de laisser le peuple d'Israël repartir vers sa terre promise. L'histoire en est alors à la dixième des plaies d'Égypte, annonçant la mort des premiers-nés. Le pharaon dédaigne la menace et renvoie Moïse. Fatalement, on le voit ensuite se lamenter de la mort de son fils aîné (présenté juste avant comme un jeune gamin arrogant et cruel pour lequel nous n'aurons aucune compassion).




L'acteur


C'est sans doute en fait un peu par hasard que Charles de Rochefort est né à Port-Vendres, en ce temps un important port commercial et de voyageurs, mais également assez logique. En effet, son père, le marquis Paul Charles Dominique d'Authier de Rochefort, est à l'époque un agent de la Compagnie Générale Transatlantique, dont plusieurs navires naviguent notamment entre l'Algérie et Marseille, et l'extrait de naissance mentionne que le marquis et son épouse sont domiciliés à Port-Vendres à ce moment-là. Cependant, c'est à Oran que grandira le jeune Charles, avant de monter à Paris pour faire ses études et se consacrer au théâtre, puis au cinéma à partir de 1910.


Charles de Rochefort en 1922

Revenu en héros de la Grande Guerre, il poursuit sa carrière dans le cinéma, fait une demi-douzaine de film aux États-Unis dans les années 20, puis entame une carrière de réalisateur à partir des années 30. Enfin, en 1936 il prend la direction d'un théâtre à Paris, où il reste actif jusqu'à la fin des années 40, après avoir été mobilisé et blessé durant la Seconde Guerre mondiale. Il meurt à Paris en 1952. Son épouse, la comédienne Mary Grant, conserve la direction du théâtre jusqu'en 1972.


Source bio : CinéArtistes.com
Affiches : Copyright Paramount Production (1923) et Paramount Pictures (1956)
Photo film : Copyright Paramount Production (1923)
Photo portrait : Agence Rol [domaine public] via Gallica




Quelques autres articles de ce blog sur Port-Vendres à relire ici et .
Et aussi celui-ci concernant le cinéma dans les années 30.

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