lundi 13 novembre 2017

Boule d'Amont le 7 juin 1815

Je poursuis avec la commune de Boule-d'Amont mes retranscriptions concernant les archives de la période des Cent-Jours en 1815 dans le département des Pyrénées-Orientales. Nous allons voir qu'à l'instar de la plupart des communes déjà traitées, le maire de Boule-d'Amont a dû, lui aussi, laisser sa place à un sujet sans doute plus fidèle à l'Empereur en ce 7 juin 1815.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
La mairie de Boule-d'Amont.

Note : le texte est retranscrit tel quel, sans modification de l'orthographe et suivant le contenu de chaque ligne.

Ce jourdhui septieme jour du mois de juin de lan mil
huit cent quinze, nous Toubert Dominique maire en éxercice de la
commune de Boule d'amont du troisiéme arrondissement du departement
des Pyrenées Orientales d'après la lettre de monsieur le sous préfet en
date du trois du courant mois de juin à laquelle était joint un arreté
de monsieur le préfet sous la date du premier juin courant par lequel
il ordonne d'aprés avoir vu le procès verbal des operations de lassemblée
primaire de cette commune de Boule d'amont en date du vingt-un mai
dernier d'installer le sieur Damien Blanc pour occuper la place de maire
et le sieur Damien Ollet pour occuper celle d'adjoint élus par l'assemblée
primaire de cette commune le sus dit jour et en outre de leur faire preter
le serment préscrit par l'article cinquante six du Senatus consulte du
vingt huit floreal an douze incéré au premier article du decret
imperial du huit avril dernier Bulletin n°12 concu en ces termes -
« Je jure obeissance aux constitutions de l'empire et fidelité
« a l'empereur » -.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Un extrait du texte.


En consequence aÿant convoqué les sieurs designés au local
ou se tiennent ordinairement les seances municipales et nous nous sommes
aussi enjoint deux membres du conseil municipal ainsi que deux autres
particuliers de cette commune. Avant tout nous avons fait lecture
de la lettre et arreté ci dessus precités et ensuite nous avons fait metre
les sieurs Blanc et Ollet en notre presence et avons prononcé mot
à mot le serment ci contre lequel a été repeté 1° par le sieur Damien
Blanc 2° par le sieur Damien Ollet. Aÿant tous les deux la main
levée que d'après cette formalité remplie conformement a la loi avons
declaré et prononcé que le sieur Blanc Damien en éxecution des ordres
ci dessus precités était dès ce moment installé maire de cette commune
et le sieur Damien Ollet en execution des memes ordres était des ce moment
installé adjoint au maire de cette commune et que chacun d'eux
remplirait ces fonctions en leur dite qualité dans cette commune de Boule
d'Amont et que d'après cette installation par nous faite ils seront reconnus
par leurs administres respectifs tels que la loi le veut et avait ordonné
conformement à la lettre ci dessus prescrite de monsieur le sous prefet que
proces verbal serait redigé sur le registre de la mairie de cette installation
et que copie conforme serait éxpediée à monsieur le sous préfet pour lui
constater l'éxecution des ordres ci dessus énoncés que Damien Blanc a signé
ainsi que Damien Ollet avec nous maire en exercice, fait et dressé à
Boule damont le jour mois et an que ci dessus. - Toubert maire Blanc
maire installé et Ollet. - Pour copie conforme. -

[Signature de Toubert maire]

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Signature du maire sortant Dominique Toubert.


N'ayant pas trouvé en ligne de liste des maires de Boule-d'Amont, je ne peux dire depuis quand Dominique Toubert était maire de la commune. Je n'ai pas trouvé d'informations sûre sur lui, bien qu'il existe un Dominique Joseph Tubert, né en 1763 et mort en 1818, fils d'un Joseph Tubert né à Boule-d'Amont. De Tubert à sa prononciation phonétique Toubert, il n'y a qu'un pas, d'autant plus qu'il existe encore un Mas Tubert à Boule-d'Amont. Quoi qu'il en soit, si c'est lui qui a rédigé le texte, c'est en tout cas quelqu'un de relativement éduqué, du fait de son écriture régulière et de la quasi absence de fautes (hormis les accents dont l'emploi est toujours un peu aléatoire à cette époque) et malgré le style très administratif du courrier qui correspond peut-être à un modèle envoyé par la préfecture.

Remplacé en ce 7 janvier 1815 par Damien Blanc, le nom de ce dernier apparaît dans le registre des mariages de Corsavy en 1829, étant le père d'Alexandre Blanc, « propriétaire à Boule-d'Amont » qui se marie alors avec une demoiselle originaire de Boule-d'Amont également mais vivant à Corsavy (à quelques kilomètres plus au sud). Je ne sais pas non plus jusqu'à quand Damien Blanc a exercé le mandat de maire.

Concernant le nouvel adjoint au maire, Damien Ollet, une personne de ce nom est bien née à Boule-d'Amont le 14 mars 1778 et exerçait le métier de chirurgien. Il aurait donc eu 37 ans au moment de sa nomination.

Avis aux lecteurs de cet article : n'hésitez pas à transmettre des informations sur ces personnes si vous en avez !

Sources :
* ADPO, 2M37
* Dominique Toubert  : Geneanet
* Damien Blanc : Cortsavi sempre
* Damien Ollet : Geneanet

Illustrations :
* Photo de la mairie : MartinD [cc-by-sa] via Wikimedia Commons
* Photos du texte : Fabricio Cardenas [cc-by-sa]


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samedi 21 octobre 2017

Sobre mariage à Joncet en 1880

Situé en Conflent, le hameau de Joncet fait depuis longtemps partie du territoire de Serdinya, à l'ouest duquel il se trouve. On le traverse généralement sans vraiment y prêter attention lorsque l'on suit la route N116 pour monter en Cerdagne, l'essentiel des maisons étant en contrebas, de même que le chemin qui mène à la gare du train jaune.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Le hameau de Joncet

On peut lire dans  le journal de Prades « Le Canigou » daté du 10 juillet 1880 le récit d'un mariage ayant eu lieu dans ce hameau, depuis les préparatifs jusqu'au jour de la noce. Nul véritable drame ici qui justifierait son inclusion dans la rubrique des faits divers, mais toutefois un singulier contretemps que le journaliste de l'époque, avec le talent de raconteur qu'avaient les membres de cette profession en ce temps, arrive à transformer en une bonne histoire.

Nous ne savons s'il nous faut qualifier de vol ou de mauvaise farce la singulière histoire qui s'est passée ces jours-ci à Joncet, commune de Serdinya.

M. Michel Acézat, bon propriétaire de l'endroit, mariait sa fille ; on était arrivé à la veille de la cérémonie, et parents et amis s'occupaient avec activité des préparatifs du festin.

Pendant que les uns plumaient des volailles, que les autres donnaient le coup de grâce à d'innocents agnelets ou à d'inoffensifs lapins, que les ménagères modèles fourbissaient la vaisselle, les jeunes gens organisaient une petite sauterie d'essai : c'est que depuis la dernière fête locale, on n'avait pas dansé à Joncet, et il était bon de s'assurer que l'on était en état de faire bonne figure au bal de noce, le lendemain.

L'essai réussissait au-delà des espérances et l'entrain était à son comble, lorsqu'une grande clameur retentit dans le camp des sacrificateurs - lisez cuisiniers. - L'un deux avait eu l'idée toute naturelle de mettre en bouteilles, le vin renfermé dans une outre et qui attendait dans la fraîcheur du cellier, le moment de son entrée en scène. Hélas ! hélas ! Comment peindre une pareille stupéfaction ? L'outre aux flancs rebondis, que plus d'un convive avait complaisamment caressée du regard, gisait à terre flasque et dégonflée, complètement débarrassée du nectar vermeil qu'elle avait contenu.
Toutes les recherches furent inutiles pour découvrir le ou les audacieux voleurs, de même qu'il fut impossible de se procurer d'autre vin.

Pourtant, il fallait se marier, des parents étaient accourus de plusieurs kilomètres ; le maire, le curé, le festin, tout était prêt. On se maria donc, et on assure même que l'on rit tout de même, en buvant de l'eau, car le miracle des noces de Cana ne fut pas renouvelé, notre siècle impie n'étant pas digne d'une telle faveur.

C'est égal ! Boire de l'eau à une noce, dans notre vieux Roussillon, voilà un fait qui mérite de trouver sa place dans les Éphémérides roussillonnaises.

Souhaitons aux jeunes époux de Joncet et à leurs invités d'être bientôt comme les montagnards de la Dame blanche « réunis » pour une fête où cette fois le vin ne manquera pas.

Note 1 : Il n'y a pas de véritable église à Joncet, mais une chapelle dédiée à Saint-Jean-Baptiste. Le mariage y a-t-il été célébré ? Ou était-ce plutôt dans l'église paroissiale Saint-Côme-et-Saint-Damien de Serdinya ? L'article ne le précise pas, quoique la deuxième option semble la plus probable, la chapelle n'ayant sans doute pas la capacité d'accueillir l'affluence importante qui est généralement celle des mariages.

Note 2 : Les Éphémérides roussillonnaises sont à l'époque une rubrique régulière du journal Le Canigou indiquant les événements remarquables s'étant produit en Roussillon chaque jour de l'année.

Note 3 : Pour ceux à qui l'éducation religieuse ferait défaut, l'épisode des noces de Cana est celui où Jésus change l'eau en vin, miracle malheureusement non reproduit à Joncet.

Note 4 : La Dame blanche ne fait pas référence à un légendaire fantôme, mais plutôt à l'opéra-comique du même nom composé par Boieldieu en 1825. On y trouve une histoire de montagnards écossais, parmi lesquels l'un deux cherche son amour perdu... la fameuse dame blanche.

Source :  « Le Canigou » daté du 10 juillet 1880 [domaine public] via le fonds numérisé de la bibliothèque de Perpignan.
Photo : Jack Ma [cc-by-sa] via Wikimedia Commons


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samedi 5 août 2017

Une couleuvre géante à Sournia en 1907

On peut lire dans La Montagne du 22 juin 1907 et Le Réveil catalan du 23 juin 1907, mot pour mot, un même article relatant la mésaventure d'un berger de Sournia. Celui-ci se trouve confronté à un serpent de taille inhabituelle, au point d'être capable de pouvoir étrangler une de ses chèvres ! Il parvient à le tuer.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Une couleuvre de Montpellier

Sournia

Chèvre étranglée par une couleuvre. - Ces jours derniers, le chevrier du hameau de Combous, commune de Sournia, faisant paître son troupeau sur les contreforts de Cournevieille, s'aperçut, avec stupéfaction, qu'une énorme couleuvre s'était élancée au cou d'une chèvre. Cette dernière fut vite étranglée, sans que le berger osât se porter à son secours. Néanmoins, quelques jours après, le chevrier, armé d'un fusil, réussit à tuer cette couleuvre énorme, qui constituait un véritable danger pour les troupeaux, voire même pour les bergers.
Ce spécimen, de très rare grosseur sur nos régions, mesure trois mètres de long.

Le Canigou du 22 juin 1907 nous apporte une précision : le nom de l'auteur de l'exploit.

Sournia. - Etranglée par une couleuvre. - Le sieur Delès, de la métairie de Courbons, vient de tuer ces jours-ci une couleuvre ne mesurant pas moins de trois mètres de long.
Cette bête dangereuse avait quelques jours auparavant étranglé une chèvre en l'enlaçant autour du cou.
C'est la première fois qu'on voit dans nos parages une couleuvre de pareille grosseur.

Parmi les sept espèces de couleuvres présentes en France et notamment dans le sud de la France, la plus grande est la couleuvre de Montpellier,  dont les mâles peuvent atteindre une taille déjà respectable de 2 mètres, certains spécimens exceptionnels pouvant aller jusqu'à 2,50 mètres. L'individu tué à Sournia est donc extraordinaire par ses dimensions ! Bien que non venimeux et la plupart du temps sans danger pour les humains, ce serpent inhabituel constituait sans doute par sa taille un danger pour ce pauvre berger et son troupeau.

Le lieu mentionné, Combous ou Courbons selon les journaux, est en fait le Mas Courbous (Corbós), habitation isolée à l'ouest du village de Sournia et située à plus de 600 mètres d'altitude. On y trouve accolé au mas une église romane du 12e siècle, dédiée à Saint-Just, ainsi que les ruines d'un château sans doute du 11e siècle. Il y avait jadis en ce lieu une famille de seigneurs de Corbós, dont plusieurs membres furent templiers.

Le lieu de patûrage, Cournevieille, semble correspondre sur la carte au ravin de Coumoubeille, situé juste à l'ouest du mas.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Vue aérienne des environs du Mas Courbous


Sources :
* La Montagne du 22 juin 1907 [domaine public]
* Le Réveil catalan du 23 juin 1907 [domaine public]
* Le Canigou du 22 juin 1907 [domaine public]
* Cartes IGN, via le site Géoportail
* Faits historiques : Jean Sagnes (dir.), Le pays catalan, t.2, Pau, Société nouvelle d'éditions régionales, 1985

Illustrations :
Couleuvre de Montpellier : Alexandre Roux [cc-by-sa]
Vue aérienne : © IGN


A lire aussi sur ce blog : Record de longévité à Sournia en 1897


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dimanche 11 juin 2017

Arrivée du Lydia au Barcarès en 1967

Le Barcarès fête ce 11 juin 2017 le cinquantième anniversaire de l'ensablement du navire Le Lydia, devenu tout naturellement le symbole phare de la station balnéaire et un lieu d'attraction et de loisirs aussi bien des touristes que des locaux.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Le Lydia en 2005

Résumons brièvement l'historique du Lydia. Bateau de croisière construit au Danemark en 1931 pour une compagnie australienne sous le nom de Moonta, puis vendu en 1955 à une compagnie grecque qui le rebaptise Lydia, il est désarmé et racheté en 1966 par la SEMETA, société d'équipement des Pyrénées-Orientales, dont le président n'est autre que le sénateur Gaston Pams, avec le projet que l'on sait, sorte de cerise sur le gâteau au sein du projet de développement de la Mission Racine.

Le reportage qui figure ci-dessous, réalisé à l'époque, dure un peu plus d'une demi-heure et présente notamment la dernière étape des travaux qui fut sans doute aussi la plus délicate : l'ensablement du navire. On y voit aussi deux interviews très intéressantes : d'abord Gaston Pams et ses projets d'aménagement du navire et de développement des infrastructures, puis Georges Candilis, l'architecte visionnaire qui de 1964 à 1972 redessine le littoral, urbanise et définit les projets immobiliers. On y apprend notamment que pour faciliter la paperasse administrative, Le Lydia une fois désarmé est déclaré comme un simple "engin flottant" et non plus comme un navire car, de fait, il n'était plus apte à naviguer (plus de moteurs, etc) !

Pour ceux qui n'auraient pas le temps de voir le film en entier, j'ai pris la peine ci-dessous d'en détailler le synopsis.

Entre hier et demain Le Barcarès
Reportage de Pierre Dumayet
Réalisation de Jean Pollet
31 min 57 s

0:00 Comment était Le Barcarès d'avant ? Des pêcheurs et des cabanes...
3:00 Evocation du creusement du chenal pour faire avancer le Lydia et départ du Lydia depuis Marseille trainé par des remorqueurs.
4:00 Arrivée avec un peu trop de vent le jour J, manœuvres.
7:30 Entrée dans le chenal, l'opération a duré 8 heures.
8:00 Interview de Gaston Pams, président de la SEMETA et sénateur des Pyrénées-Orientales :  détails sur l'acquisition du Lydia et projets d'aménagement à l'intérieur.
11:00 Interview de badauds.
12:30 Suite des travaux avec ensablement (6 millions de m3 de sable).
14:30 Viabilisation du terrain en même temps et construction des routes.
15:00 Interview de Georges Candilis chef du projet d'aménagement du Barcarès : ports et routes.
19:30 Gaston Pams sur les infrastructures.
20:30 Candilis sur l'aménagement urbain.
24:00 Suite et fin des travaux de remblayage du Lydia.
28:00 Arrivée des premiers visiteurs.
29:30 Le Lydia by night : bar de nuit et piscine.
31:57 Fin du film.

Le film commence et finit avec une sardane.

A lire sur le site ssmaritime.com (en anglais) un historique très complet du Lydia de 1931 à aujourd'hui.
A lire aussi, le blog des Amis du Moonta Lydia (en français), pour tout savoir sur ce navire.

Crédit photo : Garami [cc-by-sa], via Wikimedia Commons


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mercredi 7 juin 2017

Mort d'un torero à Céret en 1884

Le quotidien du Roussillon du 1er mars 1884 nous informe brièvement de la mort dramatique d'un torero dans les arènes de Céret.

Mort d'un toréador : Le 24 février, un toréador surnommé le Gavatj a été tué par le taureau dans une course qui avait lieu à Céret. Le Gavatj était un des amateurs qui réussissaient le plus souvent à gagner la prime de 20fr. en enlevant la cocarde du taureau emboulé, dans les arènes de Perpignan. Il est mort deux jours après l'accident qui lui était survenu, et au milieu d'atroces souffrances.

De la même manière, le bi-hebdomadaire Le Canigou dans son numéro double du mercredi 27 février / samedi 1er mars 1884 nous donne sa version des faits avec quelques variantes.

La course de taureaux qui a eu lieu dimanche dernier à Céret a été le théâtre d'un drame horrible. Le toréador Gabatj (mot dont les Espagnols se servent pour désigner ironiquement un Français) a été presque empalé par un coup de corne qui lui est entré dans le corps à 25 centimètres de profondeur.
Ce malheureux toréador est mort mercredi après trois jours de souffrances atroces.


On peut donc déduire d'après cet article que le pauvre toréador a donc été empalé le dimanche 24  et est mort le mercredi le 27 février 1884.

L'hebdomadaire perpignanais Al Galliner du 9 mars 1884 revient sur cette affaire en donnant plus de détails sur la vie de ce torero, dont on ne saura par ailleurs que le surnom de Gavatj ou Gavach, mais jamais le nom véritable.  Bien qu'encore jeune, ce n'était pas un novice, ayant débuté très  tôt, mais l'embonpoint qu'il aurait développé au cours des années semble avoir causé sa perte. L'événement est d'autant plus tragique que ce torero devait se marier le lendemain. Le journaliste en profite aussi pour répondre aux détracteurs des courses de taureaux.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales


La mort d'un torero

Le jeune torero qui vient de mourir à la corrida de Céret était né à Fitou, département de l'Aude. Il fut nourri à Arles-sur-Tech, où on lui donna le surnom de gavach, qualificatif par lequel (comme le fait justement remarquer Le Républicain) les catalans du Roussillon et d'Espagne désignent les Languedociens. Fixé dans la capitale du Vallespir, il reçut de son père nourricier les premières leçons de tauromachie ; la témérité du maître devait déteindre sur l'élève.

Nous avons vu le gavach, il y a quelques années, aux courses de St-Laurent-de-Cerdans, il était alors maigre, nerveux, d'une agilité extraordinaire, bondissant autour du taureau sans la moindre capa pour se protéger, enlevant les cocardes. L'audace qu'il déploya ce jour-là, montra aux nombreux aficionados que le jeune torero périrait de son imprudence.

Modeste autant que courageux, il dédaignait les fanfaronnades auxquelles nous ont habitué les toréadors-acrobates nîmois et en particulier le fameux Pouly. Il pratiquait et connaissait l'art de la tauromachie et non les exercices de cirque.

Nous l'avons revu plus tard aux courses de Perpignan, mais l'embonpoint lui avait enlevé la plupart de ses facultés, il avait de la peine à gagner rapidement la barrera, plus encore à la franchir. Grâce à son courage, il enlevait néanmoins les cocardes ; comme banderillero c'était un homme fini, la première des qualités étant de présenter une superficie aussi faible que possible aux cornes du taureau. C'est en posant des banderillas que le malheureux a trouvé la mort.

Son mariage devait être célébré le lendemain; en vain sa fiancée agitée par un sombre pressentiment l'avait-elle suppliée de ne point descendre dans l'arène ; il jura que c'était la dernière fois et voulut en offrant les cocardes à son estimada lui donner en présence de la foule une preuve éclatante d'affection. Encore une fois les pressentiments se réalisèrent, le torero fut tué presque au début de la course.

A cette nouvelle les journaux de Paris et du Nord ont poussé des cris de paon. Qu'on défende les courses de taureaux et toute la rengaine connue. Ah bien oui, si l'on veut prohiber ce genre de spectacle que l'on prenne une mesure semblable pour les courses de chevaux, les régates et l'entrée des dompteurs dans les cages de bêtes fauves.

Parce qu'il est de bon goût, parce que la haute futaie affectionne les courses de chevaux, on ne prête qu'une légère attention aux nombreux jockeys qui chaque année s'estropient, se tuent au saut des obstacles et des rivières. C'est très chic, très v'lan, cela suffit.

Quoi de plus barbare et de plus digne des Romains de la décadence que le spectacle d'un homme qui chaque soir s'expose à être dévoré par une bête féroce ? Il est là sans défense, sans moyen de fuite en présence d'un public sans enthousiasme et glacé d'horreur. - Aux courses de taureaux, l'homme peut fuir et peut-être dégagé par ceux qui composent la cuadrilla, des milliers de personnes assistent aux triomphe du torero, le danger est en quelque sorte atténué par la beauté, la grandeur du spectacle.
On peut reprocher aux courses espagnoles le massacre des chevaux, mais telles qu'elles se pratiquent en Roussillon les courses n'offrent rien qui puissent justifier les réclamations d'une minime partie de la presse. Et d'ailleurs si l'on peut prouver que la mort d'un torero est chose excessivement rare, en est-il ainsi des dompteurs ?

Ces derniers finissent toujours par être dévorés et l'on connait bien des toreros en renom qui jouissent maintenant de la fortune acquise pendant leur jeunesse. La proportion est de cinq à un, nous n'inventons rien.
Si l'on veut donc défendre les courses de taureaux, il ne peut y avoir deux poids et deux mesures, que l'on fasse table rase du coup.

Un aficionado

Note 1 : Le journaliste d'Al Galliner se plaint dans son article des réactions  de la presse nationale suite à cet accident, bien que j'avoue avoir cherché et n'avoir rien trouvé dans les divers journaux à grand tirage de cette époque (ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a rien).

Note 2 : Il s'agit bien ici de courses de taureaux, puisque qu'à Céret la première corrida à l'espagnole avec mise à mort n'aura lieu qu'en 1894, soit dix ans plus tard.

Sources :
* Le Roussillon du 1er mars [domaine public] (via le fonds numérisé de la médiathèque de Perpignan)
* Le Canigou du 27 février / 1er mars 1884 [domaine public] (via le fonds numérisé de la médiathèque de Perpignan)
* Al Galliner du 9 mars 1884 [domaine public] (via le fonds numérisé de la médiathèque de Perpignan)
Photo : Fabricio Cardenas [cc-by-sa]


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samedi 27 mai 2017

Corbère le 10 juin 1815

Je poursuis avec la commune de Corbère mes retranscriptions concernant les archives de la période des Cent-Jours en 1815 dans le département des Pyrénées-Orientales. Nous allons voir qu'à l'instar de la plupart des communes déjà traitées, le maire de Corbère a dû, lui aussi, laisser sa place à un sujet sans doute plus fidèle à l'Empereur en ce 10 juin 1815.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
La nouvelle mairie de Corbère


Note : il me manque la fin du document, donc je n'ai pas pu constater si les maires ancien et nouveau savaient signer, les cas d'illettrisme  étant encore fréquents à cette époque, même parmi les élus.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Nous soussignés Membres du Conseil Municipal
de la Commune de Corbere...


Commune de Corbère

L'an Mille huit cens quinze et le dix du Mois de juin
Nous soussignés Membres du Conseil Municipal
de la Commune de Corbere assembles à la Maison
Commune d'après l'invitation de Monsieur Llech
Sébastien Maire pour nous assembler, [ci étant]
Mr le Maire nous a communiqué qu'il est
remplacé par Joseph Pons Tixador nommé Maire
par l'assemblee primaire, M Boniface Roig adjoint
nommé aussi par l'assemblée primaire
qui a eu lieu le vingt cinq mai dernier, [y ont]
obtenu plus que la moitié des votes, et que
d'après l'arrete de M le prefet en datte du
trois juin les dits Pons Tixador et Boniface Roig
doivent etre installes, et par consequent preter
le serment prescrit par l'article 56 du Senatus
Consulte du 28 floreal an douze, et tout de suite
ont aussi comparu les sudits Pons Tixador Joseph
et Roig Boniface qui ont preté le serment
qui suit je jure obeissance aux constitutions
de l'Empire et fidelité à l'Empereur...


Le secrétaire ayant enregistré les événements est inconnu, mais il écrit correctement et sans fautes (par rapport à l'orthographe de l'époque). Seuls les accents sont absents la plupart du temps, mais c'est souvent le cas dans les manuscrits de ce temps-là.

Le maire sortant, Sébastien Llech, était en place depuis 1808, donc durant toute la deuxième moitié du Ier Empire et également sous le début du règne de Louis XVIII. Peut-être a-t-il été trop favorable à la Restauration, ce qui expliquerait alors son évincement au profit de Joseph Pons Tixador. Ce dernier est lui-même révoqué dès le retour de Louis XVIII après la fin des Cent-Jours quelques semaines plus tard et remplacé par un certain Pierre Roig.

Notons que la famille Llech est à l'origine de plusieurs maires de Corbère jusqu'à la fin du 19e siècle, dont Sébastien est le premier représentant. On trouve 2 Sébastien, 2 Valentin et 1 Joseph.

Source : ADPO, 2M37
Liste des maires : MairesGenWeb
Photos : Fabricio Cardenas [cc-by-sa]



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samedi 6 mai 2017

De Saint-Paul-de-Fenouillet à Perpignan en 1821

Envoyés par l'Etat français pour parcourir les Pyrénées d'ouest en est en 1821, Joseph Antoine Cervini et Antoine Ignace Melling ont partagé leurs impressions dans un ouvrage paru en 1830 (Voyage pittoresque dans les Pyrénées françaises...), dont je poursuis ici la retranscription.

Nous avons pu voir dans les articles précédents les premières étapes de leur voyage dans le département des Pyrénées-Orientales.


Il est temps désormais pour nos deux compères de se diriger vers Perpignan. Partant de Saint-Paul-de-Fenouillet, ils passent notamment par Estagel, où c'est jour de fête, puis par Peyrestortes et Cases-de-Pène ("Cazasses"), qui leur donne l'occasion d'apercevoir l'ermitage Notre-Dame-de-Pène. Les descriptions sont brèves car ils craignent de ne pas arriver à Perpignan avant la fermeture des portes de la ville, en passant par Le Vernet (alors un village à l'extérieur des fortifications).

Carte de 1830 présentant le trajet de Melling et Cervini en 1821

Trois heures suffisent à peine pour arriver de Saint-Paul à Estagel par une assez bonne route qui longe la rivière de Maury dont les eaux vont grossir l'Agly. Des vignes, des oliviers, voilà les seules productions végétales que l'on aperçoit à droite et à gauche du chemin, dominé des deux côtés par des rochers et des montagnes peu élevées. Arrivés à Estagel, petite ville de 1600 habitants, nous fûmes très-étonnés de trouver une affluence considérable et beaucoup de mouvement sur la place de la principale église. Mais notre surprise cessa en apprenant que la multitude qui s'y était assemblée célébrait par la danse catalane la fête patronale de l'endroit. Cette danse, qui ne ressemble en rien à ce que nous avions vu jusques-là, nous parut des plus piquantes, mais pressés par l'heure avancée de la journée, et ayant appris que les portes de la ville de Perpignan se fermaient à huit heures et demie, nous nous remimes en marche avec quelques regret de quitter cette scène animée, pittoresque et où régnait la plus franche et la plus vive gaité.

Jusques-là nous avions été assez satisfaits de la route, mais d'Estagel à Peyrestortes le trajet fut des plus désagréables. Le chemin est peu large, dégradé et fort difficile ; tracé dans le terrain de transport et d'alluvion, au milieu des attérissements résultant des débris de roches entrainés par les eaux, il passe sur un sol graveleux et pierreux ; la chaussée est recouverte de cailloux roulés, déposés par les rivières et les torrents débordés à la suite des orages et des fortes pluies de l'hiver.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Carte postale de l'ermitage Notre-Dame-de-Pène vers 1910


En passant devant Cazasses, que l'on aperçoit au-dessus de la rive gauche de l'Agly, nous vimes sur le haut du roc Redan, que nous avions à notre droite, l'Ermitage de N.-D. des Pennes que l'on venait de restaurer. Le sentier par lequel on parvient à cet ermitage est taillé dans le roc et serpente au pied de plusieurs niches en maçonnerie assez délabrées qui paraissent être des stations d'un Calvaire. Nous étions tellement épuisés par la chaleur que nous n'eûmes pas le courage d'y monter ; d'ailleurs il se faisait tard et il nous restait à peine le temps d'arriver à Perpignan avant la fermeture des portes. Nous poursuivimes donc notre voyage de Peyrestortes au Vernet, où la route départementale que nous avions suivie, débouche sur la grande route de Narbonne à Perpignan. Du joli petit village de Vernet au chef-lieu de département que nous venons de nommer, nous hâtames notre marche, de manière que nous nous trouvâmes à la porte Notre-Dame et nous la franchimes précisément à l'instant où le tambour de la retraite annonçait qu'elle allait se fermer. Nous allâmes loger à l'hôtel du Petit Paris.

Source texte et carte : Voyage pittoresque dans les Pyrénées françaises et les départements adjacents (1830) [domaine public] via Rosalis (Bib. num de Toulouse) 
Crédit carte postale : Brun frères (vers 1910) [domaine public]


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vendredi 31 mars 2017

Voleurs de poules à Réal en 1883

En 1883, la petite commune rurale de Réal, située en Capcir et dans la haute vallée de l'Aude, est encore peuplée  d'un peu plus de 250 habitants (contre 64 déclarés en 2014). On peut lire dans Le Progrès : journal de l'arrondissement de Prades du 17 février 1883 le compte-rendu d'un procès tenu au tribunal de Prades le 15 février 1883.

Il ne s'agit que d'une banale affaire de voleurs de poules (ou plutôt d'apprentis voleurs n'étant pas arrivés à leurs fins), mais le récit qui en est fait par le journaliste, outre le fait d'être assez divertissant, révèle aussi maints aspects des habitants de la région à l'époque, vivant pauvrement, sans doute assez peu éduqués et au français parfois approximatif, ce dernier point étant un handicap certain face à l'autorité d'un juge de la République. Malgré tout le tribunal, peut-être las de devoir juger ce genre de peccadilles, se révèle ici relativement clément avec les prévenus, dont c'était par ailleurs le premier écart à la loi.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Vue de Réal depuis l'ouest


Tribunal correctionel de Prades
Audience du 15 février 1883
Présidence de M. Morin
Ministère public : M. Ricateau, Substitut.

Excès de gourmandise .- Nous ne trouvons pas d'autre qualificatif pour dénommer l'aventure de deux jeunes gens gourmands de Réal, Michel B. et Barthélémy D.
Le 15 novembre dernier, on ne sait quel démon les poussait à convoiter les poules de la femme R. Quelque projet de festin, sans doute, quelque envie de déguster des volailles bien à point, surtout à bon marché ?
Toujours est-il que le soir de ce jour néfaste - on verra pourquoi - nos jeunes gens eurent deux mouvements, un bon et un mauvais. Le bon les amena chez la femme R. pour lui demander de leur vendre de la volaille. C'était à 9 heures du soir. Sur le refus de celle-ci, ils se retirèrent sans insister autrement.
Le mauvais mouvement, fut celui qui les amena une seconde fois chez la propriétaire des poules, cette fois avec l'intention de lui prendre de force ce qu'elle ne voulait pas vendre de gré.
Seulement, un garçon de 15 ans, domestique de la femme R., entendant du bruit dans l'écurie où couchaient les poules, agita une branche pour faire fuir les maraudeurs. En effet, nos larrons s'enfuirent sans consommer le larcin.
Lorsque le parquet eut vent de cette tentative de vol, Michel B., le seul reconnu sur l'heure, avoua et déclara que son complice était Barthélémy D.
Celui-ci comparaît seul à l'audience, Michel B. fait défaut.
La femme R. raconte qu'on lui demanda ce soir-là de vendre des poules, mais qu'elle s'y refusa.
Le président.- Vous avez en tout d'abord une bonne idée. Mais vous les avez poussés au vol par votre résistance. Ce n'est pas une raison évidemment, et ce n'est pas de votre faute ; mais c'est ce qui leur a inspiré cette mauvaise action. Saviez-vous pourquoi ils ont voulu vous voler des poules ?
Est-ce pour un repas, pour une fête ?
Le témoin.- Je ne sais pas...
Le président.- Les prévenus ont-ils une mauvaise réputation ?
Le témoin.- Oh ! non.
Le maire de Réal, témoin aussi, commence par déclarer qu'il ne sait pas grand'chose.
Le président.- Bien, ce sera plus vite dit, alors... La moralité des prévenus est-elle bonne ?
Le témoin.- Mais oui...
Le président.- Comment se fait-il que Michel B. ne soit pas venu à l'audience ?
Le témoi.- Ah ! vous savez, il a parti, il se gagne sa vie ; il pensait que ça serait rien. Voyez-vous, dans mon idée, je ne crois pas qu'ils sont allés là pour voler par exprés. Je ne crois pas qu'on ai pris, comme on dit, le bien d'autrui...
Le président.- Ah ! vous ne le croyez pas, vous !... Si on vous prenait des poules à vous, on vous les volerait, n'est-ce pas ?
Le témoin.- Mais certainement.
Le président.- Eh bien, alors, c'est ce qui s'appelle prendre le bien d'autrui.
Le domestique de la femme R. raconte qu'il a vu les deux individus s'introduire dans al galliner. L'un deux frotta des allumettes pour s'éclairer. Saisissant une branche et l'agitant, il réussit à leur faire prendre la fuite : - J'ai touché la branque, il se sont enfouis.
J'ai bien reconnu Michel B., l'autre non.
Le prévenu Barthélémy D. est tailleur d'habits à Réal. Il dit qu'il n'est pas allé le moins du monde chez la femme R.
Le président.- Vous aimez les poules, il paraît ? Ce n'est certes, pas défendu ; mais il faut payer celles dont on a envie...
Le prévenu.- Je n'y suis pas allé.
Le président.- Michel B. a été entendu par le juge d'instruction. Il a déclaré qu'il était coupable, et il a avoué que vous étiez son complice. Cela est d'autant plus croyable, que le domestique de la femme R. a vu deux larrons et non un. Il n'a pas intérêt à dire que c'est vous.
Le prévenu.- Je n'y étais pas. Je suis resté ailleurs avec un camarade. Puis je suis allé au café. J'en suis sorti à 9 heures.
Le président.- Mais la tentative de vol n'a été commise qu'à dix heures ! Le maire a déclaré, tout à l'heure, qu'il vous avait perdu de vue à 9 heures, en effet. D'ailleurs, vous avez été confronté devant le juge d'instruction avec Michel B. qui a soutenu énergiquement que vous étiez son complice. (S'adressant à la femme R.) Votre domestique vous a dit sur le moment, qu'il avait reconnu les deux ?
Le témoin.- Oui, il me l'a dit.
Le président au domestique.- Tout à l'heure, vous avez dit que vous n'aviez reconnu que Michel B. ; vous avez cependant dit le contraire à votre maîtresse ?
Le domestique baissant les yeux.- Je l'ai dit, mais ce n'était pas vrai...
Le président.- C'est bien. Le Tribunal appréciera.
Michel B. et Barthélémy D. sont condamnés chacun à 10 francs d'amende.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Envie d'une poule ?


Dans la même séance du tribunal de Prades, le journaliste rapporte également le procès du garde-champêtre de Tarerach, lui-même, pris en flagrant délit de chasse hors période autorisée ! Devant les témoignages contradictoires des habitants du village (dont l'adjoint au maire) et des gendarmes, le président du tribunal décide de se déclarer incompétent et le procès est renvoyé vers Montpellier.

Source : Le Progrès : journal de l'arrondissement de Prades du 17 février 1883 [domaine public], via le fonds numérisé de la Médiathèque de Perpignan.
Photo de Réal : Jack Ma [cc-by-sa] via Wikimedia Commons
Poule de l'Ampourdan (Gallina empordanesa) : Consell Comarcal del Baix Empordà [cc-by-sa] via Wikimedia Commons



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dimanche 26 mars 2017

Voyage en Salanque en 1906 (2)

Du Barcarès à Saint-Hippolyte en passant par l'étang de Salses

Nous avions pu lire dans un précédent article le début du récit fait en août 1906 par l'ingénieur agricole P. Carles, invité par les frères Joué, de Saint-Laurent-de-la-Salanque, à venir inspecter les plantations de vignes de la région. Il commençait par ses premières impressions à Saint-Laurent-de-la-Salanque, ainsi que la description des préparatifs et de l'organisation de la fête locale. Il terminait avec une première visite au Barcarès.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Bain de soleil sur la plage du Barcarès


Dans cette deuxième partie, publiée dans le n° du 2 décembre 1906 de la revue L'Agriculteur moderne, l'ingénieur Carles poursuit ses explorations. Repartant de la plage du Barcarès, où nous l'avions laissé, il se baigne puis se dirige vers l'étang de Salses (orthographié Salces à l'époque). Il y décrit les cultures, la pêche et également le mode opératoire des familles qui s'y rendent pour pique-niquer, pour y déguster aussi bien des coquillages pêchés sur place que la fameuse bouillinade du Barcarès.

Le jour suivant l'ingénieur Carles inspecte les vignes de Saint-Hippolyte dont il constate qu'elles sont très touchées par différentes maladies. S'en suivait un très long passage technique que j'ai retiré du texte principal, mais que l'on peut lire en cliquant sur le lien approprié pour tout savoir sur les maladies de la vigne et leurs traitements à l'époque.

Enfin, on trouve ici et là quelques allusions à la fête de Saint-Laurent qui se poursuit durant tout ce temps, et à celle de Saint-Hippolyte qui débute aussi.

Note : les intertitres sont de mon fait et ont été rajoutés pour aérer un peu le texte.

En Salanque
(suite)

De la plage du Barcarès vers l'étang de Salses

A notre arrivée au Barcarès, nous visitons la plage, une quarantaine de balancelles sont sur le sable. Beaucoup de baigneurs. D'un côté, de gros blocs de pierre pour empêcher l'Agly de continuer à ensabler l'endroit où vont généralement aborder les barques. Puis, du côté de l'étang de Salces une ligne de pins, quelques constructions qui sont les métairies de M. Berlioz. Enfin à l'ouest découpant sa silhouette blanche, se dresse le cap de Leucate derrière lequel s'abrite la station balnéaire de la Franqui. Inutile de dire qu'après un bain, notre retour à Saint-Laurent s'effectue sans incident et que le bal dure la moitié de la nuit.

Le vendredi 12 est encore un jour de fête pour Saint-Laurent. Nous allons à l'étang de Salces. La route est bordée de saules, de tamaris, de guimauve ; plus on avance, plus les terrains paraissent salés. La culture a essayé de s'emparer de ces immenses champs ; l'avoine y réussit très mal, la luzerne très peu, la vigne sur Solonis grâce aux terrages a donné en plusieurs endroits des résultats, mais ce qui a le mieux réussi c'est la culture de l'asperge.
Cette culture déjà si répandue aux environs de Saint-Laurent s'étendra encore et permettra d'exploiter des terrains que seuls des atriplex, des soudes, des statices garnissent.

Pique-nique au bord de l'étang de Salses

A l'endroit où nous touchons à l'étang paraît une petite plage. Plusieurs familles y sont installées. Nombreuses personnes se baignent ; les chevaux, les voitures même sont amenés dans l'eau assez loin du rivage ; à 50 mètres en effet l'eau n'arrive qu'à hauteur des reins. Une barque avec une voile improvisée aborde, elle porte des bourdès, coquille connue sous le nom scientifique de cardium edule et des franquets ou crabes. La pêche des bourdès se fait dans l'étang en promenant dans le sable un râteau auquel est attaché un filet. Cette coquille est de beaucoup inférieure à la clovisse, tant comme qualité que comme quantité. Elle est cependant assez goûtée des habitants de la Salanque.

Grande fête le soir à Saint-Laurent. Sur le champ de foire, dans la grand'rue, au bal, grande débauche de gisclets, tubes remplis d'eau plus ou moins parfumée que l'on projette sur les promeneurs.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Cardium edule


Bouillinade du Barcarès et vignes malades de Saint-Hippolyte

Le lendemain samedi les Laurentins, pour terminer la fête, se rendent en foule au Barcarès ou sur les bords de l'étang de Salces pour faire la boulinado, c'est-à-dire la bouillabaise traditionnelle que l'on mange sur le pain, car l'usage veut que l'on ne prenne pas d'assiette. Dérogeant aux usages du pays, nous allons visiter les vignobles près de Saint-Hippolyte, ce que mon ami Léon Joué, appelle le pays de l'anthracnose. Et du fait, c'est bien ce nom qui convient à cette région. Difficilement dans l'Hérault, on peut s'imaginer les dégâts et la mortalité occasionnés par cette redoutable maladie cryptogamique. En entier, ayminates (mesure locale, correspondant à 60 ares), disparaissent. Il semble qu'il existe une corrélation entre l'intensité du mal et les endroits où les brouillards marins se sont arrêtés. [suite de la description technique des maladies de la vigne]

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La Place de la République à Saint-Hippolyte


Fête à Saint-Hippolyte et retour vers Saint-Laurent

Enfin nous gagnons Saint-Hippolyte à travers les vignes. De distance en distance paraissent des pompes ou des tuyaux sortant du sol, auxquels on adapte le corps de pompe. Les forages de cette nature sont communs dans ce pays où l'eau est si près de la surface. Forage et pompe arrivent en tout à 70, 80 fr. Notre arrivée à Saint-Hippolyte est saluée par une quantité de gros canards qui barbottent dans un ruisseau infect. Sur la place a lieu le bail de la criadas, car c'est aujourd'hui la fête de la localité. Sous de très beaux platanes et juchés sur une charrette, quatre musiciens soufflent dans leur instrument ; la prima (nom catalan du hautbois), exécute de superbes variations, mais le bal ne nous tente guère. Après nous être rafraichis, ce dont nous avions un besoin réel, nous nous préparions à gagner Saint-Laurent, lorsque près de l'église, arrêté par un troupeau de barbarins croisés de mérinos, probablement issus de l'ancienne bergerie de Perpignan, un monsieur installé sur une cariole nous offre une place.
Léon Joué me le présente : M. Ravachol. Et c'est en compagnie de l'homonyme du fameux anarchiste qu'un petit cheval corse nous porte devant notre domicile.

P. Carles
(A Suivre)

Source : L'Agriculteur moderne du 25 novembre 1906 [domaine public] via le fonds numérisé de la Médiathèque de Perpignan.
Photo coquillage : Benjamin Féron [cc-by-sa]
Crédits cartes postales :
* Bain de soleil : Editions Labouche (Toulouse), début 20e siècle [domaine public]
* Saint-Hippolyte : Editeur inconnu,
début 20e siècle [domaine public]


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samedi 25 février 2017

Un maire anti-clérical à Pollestres en 1882

Nous avions pu lire dans un article précédent un rapport fait par le journal catholique et royaliste L'Espérance du 4 janvier 1882 concernant le maire de Pollestres. Celui-ci était accusé d'avoir édicté en décembre de l'année passée un arrêté municipal interdisant les processions religieuses sur le territoire de sa commune.

Dix jours se sont écoulés et le maire de Pollestres décide de répondre au journal. Le citoyen Janer, c'est son nom, est à la fois un boucher de métier et un athée convaincu. Il profite de l'espace qui lui est alloué pour insulter le journal, les pratiques religieuses traditionnelles et les costumes des curés (qu'il voudrait enfermer dans leurs églises). Bien sûr, le journal ne se prive pas non plus de répondre à ce courrier virulent.
Il n'est pas sûr, de nos jours, que l'on arrive à trouver beaucoup de maires aussi intransigeants face à la religion...

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales

Un maire qui offre l'hommage
de son athéïsme

La commune de Pollestres possède 579 habitants, et un maire du nom de Janer. Ce maire, qui sait à peine signer, nous écrit, en belle écriture, une lettre qui ferait honneur à l'habileté et au savoir du maître d'école, suivant le cœur de M. Paul Bert. Voici cette lettre :

A Monsieur le Directeur de l'
Espérance,

Monsieur,
Parmi les mesures hygiéniques que je m'impose, et dont je recommande l'observation à mes administrés, figurent en première et en seconde ligne, celles qui consistent à ne pas lire l'
Espérance, et à écarter des habitations les tas de fumier.
C'est pourquoi je n'avais pas encore répondu à la note que cette feuille a bien voulu me consacrer dans son numéro du 4 janvier.
Aujourd'hui un ami de Perpignan me communique cette note et je m'empresse de vous accorder la satisfaction, d'ailleurs légitime, que vous réclamez très poliment.
Mon arrêté interdisant les processions a voulu viser, en outre, la manifestation
religieuse du samedi saint, qui rappelle à quelques imbéciles le prétendu passage de l'ange exterminateur, et qui est tout à fait pratique pour les curés, lesquels échangent, à cette occasion, une pincée de sel de cuisine contre des œufs de Pâques ou de bons saucissons, donnés et reçus à l'insu des maris.
J'ai voulu prévenir encore d'autres excentricités fort divertissantes, mais je n'ai pas le droit de m'emparer des colonnes de votre journal et je n'en dirai rien.
Pour ce qui est des enterrements
religieux, je les interdirais aussi si j'en avais le pouvoir. On serait libre de faire les cérémonies à l'église, mais ni la croix, ni le prêtre vêtu en arlequin n'auraient le droit de parcourir la voie publique... à moins que ce ne fût en carnaval.
Veuillez agréer, monsieur, l'hommage de mon athéisme.

Le maire de Pollestres,
Janer.
Pollestres, le 12 janvier 1882.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
L'église Saint-Martin de Pollestres


Le Républicain et L'Eclaireur ont déjà donné hier cette lettre, mais ce dernier n'a pas voulu faire dire à M. Janer qu'un prêtre est vêtu en arlequin lorsqu'il porte ses habits sacerdotaux, ou bien il n'a pas voulu prendre la responsabilité de cet outrage public à la religion.
Le citoyen Janer est boucher de son état. Il a, dit-on, dans son conseil privé un bourrelier, un menuisier et un certain
Ca foll qui serait l'inspirateur et le conseiller ordinaire du citoyen maire. Ces grosses têtes ont délibéré dix jours pour produire cette jolie chose qu'on vient de lire, où l'insolence, la bêtise, l'insulte et l'athéïsme se donnent la main.
Le sieur Janer reconnaît que nous l'avons
questionné très poliment ; mais lui cependant ne se croit pas tenu à tant de politesse, il compare l'Espérance à du fumier, il en interdit la lecture à ses heureux administrés. Il leur enseigne que le prêtre officiant est un arlequin et qu'il voudrait pouvoir l'enfermer dans son église. Quel homme que ce M. Janer ! c'est bien le républicain de l'avenir : il salue avec son athéisme ; alors ce sera du propre, surtout si Cafoll est encore là pour le conseiller, pour lui lire le journal, et lui tenir la main.
Il n'est pas nécessaire de faire à M. Janer boucher, maire de Pollestres, l'honneur de discuter plus longtemps de ses sottises, il nous suffit de prendre l'hommage qu'il nous fait de son athéisme et de le repousser du pied.

S. Nobens

Source : L'Espérance du 15 janvier 1882 [domaine public], via le fonds numérisé de la Médiathèque de Perpignan.
Photo bandeau journal : Fabricio Cardenas [cc-by-sa]
Photo église de Pollestres : Sylenius [cc-by-sa], via Wikimedia Commons



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vendredi 17 février 2017

Mort de Monseigneur Gaussail à Perpignan en 1899

Un président et un évêque de vie à trépas

Monseigneur Noël Gaussail, originaire du Tarn-et-Garonne, est nommé évêque de Perpignan en 1886, après avoir été brièvement évêque d'Oran. Sans doute moins populaire que son successeur, Jules Carsalade du Pont, il restera tout de même à cette charge treize années durant. Il aura notamment consacré quelques églises, dont celle de Pézilla-la-Rivière, fait restaurer le maître-autel de la cathédrale de Perpignan et même publié un catéchisme en catalan en 1898.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Mgr Gaussail, alors évêque d'Oran, en 1884


Le journal Le Roussillon du samedi 18 février 1899 nous apprend sa mort subite la nuit de la veille, précisément à minuit passé de vingt minutes. Si l'on peut être surpris de prime abord de ne trouver cette information que sur une colonne en page 3, le fait s'explique en réalité aisément, Monseigneur Gaussail ayant eu la mauvaise idée de mourir le lendemain de la mort du Président de la République d'alors, Félix Faure. Ce dernier, supposément mort d'une « attaque d'apoplexie foudroyante » (selon le communiqué officiel), aurait en fait d'après la rumeur été retrouvé mort tenant la tête de sa maîtresse entre ses jambes. Il n'en fallait pas plus pour déclencher les moqueries des journaux de l'époque et susciter nombre de plaisanteries restées célèbres, relatives à la fois à sa vanité et à ses aventures extra-conjugales (dont le fameux « Il voulait être César, il ne fut que Pompée »). Rien de tout cela malgré tout dans Le Roussillon, journal catholique et royaliste, qui se contente alors de simplement relater les faits.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Félix Faure, mort un jour avant Mgr Gaussail


Voyons donc ce que nous dit le journal du 18 février sur la mort de Monseigneur Gaussail.

Mort de S. G. Mgr Noël Gaussail
évêque de Perpignan

La mort vient de frapper un terrible coup au milieu de nous. Notre bien-aimé Evêque et Père en Dieu, Monseigneur Gaussail nous a été ravi dans la nuit de jeudi à vendredi, quelques instants après minuit.
La nouvelle s'est bien vite répandue, dès les premières heures, dans les rues de notre ville, et y a produit un véritablement sentiment de stupeur. On ignorait que Monseigneur fût souffrant, et rien ne faisait prévoir un dénouement si proche. Il avait assisté mardi dernier à la séance dramatique, donnée à l'Institution Saint-Louis-de-Gonzague ; le jour même de sa mort il devait célébrer la Sainte Messe pour les dames de l'Œuvre des Catéchismes, à qui il avait donné rendez-vous dans sa chapelle.
La mort est venue brusquement, presque à l'improviste.
Depuis Noël, Monseigneur se sentait fatigué : il souffrait de douleurs dans la région du cœur ; le mal lui laissait toute liberté pour vaquer à ses occupations, mais l'empêchait de marcher.
Voilà pourquoi Monseigneur n'avait plus paru à la Cathédrale depuis les fêtes de la Noël. Cet état de santé n'inspirait cependant pas pour le moment de graves inquiétudes. Jeudi soir, Monseigneur s'était couché comme d'habitude.
Vers minuit, il fut réveillé par la douleur, et il comprit que sa dernière heure était venue.
Il appela auprès de lui le personnel de l'Evêché. Monsieur le chanoine Rabaud, secrétaire général, arriva le premier, et entendit la confession du Prélat. M. le Chanoine offrit de lui donner l'Extrême-Onction. « Oui, répondit Monseigneur, qui a sans cesse conservé le calme devant la mort, oui, et hâtez-vous... hâtez-vous, a-t-il ajouté une seconde fois, car je vais mourir. » Après avoir reçu les sacrements, Monseigneur rendit son âme à Dieu. Il était minuit vingt minutes.
MM; les vicaires généraux, et M. le Supérieur du Grand-Séminaire, appelés en toute hâte, arrivèrent après l'issue fatale.

Le corps de Monseigneur repose en ce moment dans sa chambre. Après l'embaumement, il sera exposé dans une chapelle ardente, où les fidèles pourront venir prier pour le repos de son âme.
Les obsèques sont fixées à mardi prochain à 9 heures du matin.

(Semaine Religieuse)


F.I.


Le numéro du lundi 20 février 1899 nous donne quelques détails sur le protocole et l'itinéraire du cortège funèbre, jusqu'à la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Perpignan.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
La cathédrale de Perpignan


(...) Le glas funèbre sera sonné chaque jour dans toutes les églises [du diocèse], après l'Angelus, jusqu'à mercredi inclusivement.

Départ de l'Evêché à 9 heures. La tête du cortège étant arrivée devant le palais épiscopal, continuera sa marche par les rues Mailly, Porte-d'Assaut, place Arago, rue Alsace-Lorraine, place Laborie, rue de la Loge, place de la Loge, rue Saint-Jean, place d'Armes.

La cérémonie sera présidée par Mgr Mathieu, archevêque de Toulouse, assisté de Nos Seigneurs de Cabrières, l'éminent évêque de Montpellier, Rougerie, évêque de Pamiers, Enard, évêque de Cahors, Germain, évêque de Rodez, l'Abbé mitré de la Trappe.


Le numéro du mardi 21 février 1899 donne le compte-rendu détaillé des dites obsèques. On retiendra notamment qu'était présente « une foule énorme », où figuraient notamment toutes les catégories de personnel religieux du département, de très nombreux fidèles, ainsi que l'essentiel des notables et des personnalités politiques locales.

A la suite des premiers cortèges religieux venait « (...) le char funèbre traîné par quatre chevaux noirs carapaçonnés, tenus en main. » L'un des quatre cordons était tenu par le maire de Perpignan lui-même, Louis Caulas.

Le portail extérieur de la cathédrale ainsi que tous les espaces intérieurs étaient drapés de noirs, produisant un effet saisissant sur l'assistance, accentué par la puissance et la gravité des grandes orgues durant la messe.
Monseigneur Gaussail fut inhumé au sein de la cathédrale.

Sources : Le Roussillon des 18, 20 et 21 février 1899 [domaine public], via le fonds numérisé de la Médiathèque de Perpignan.
Portrait Noël Gaussail : Gravure anonyme (1884) [domaine public]

Portrait officiel Félix Faure : Pierre Petit (1832–1909) [domaine public]
Photo cathédrale : Alkhimov Maxim [cc-by]




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dimanche 8 janvier 2017

Un pèlerinage efficace en 1883

De l'importance de respecter le rituel


Une fois n'est pas coutume, le présent article va sortir des limites strictes du département des Pyrénées-Orientales, puisqu'il concerne un lieu situé juste de l'autre côté de la frontière, dans la province de Gérone. Mais les protagonistes de l'histoire retranscrite ci-dessous sont bien deux perpignanaises, en voyage d'un pays catalan à un autre, nous évitant ainsi le hors-sujet.

Le journal de Perpignan Al Galliner, dans son numéro du 1er avril 1883, consacre un article au sanctuaire de Notre-Dame de Nuria (Mare de Déu de Núria), ancien ermitage qui fait l'objet d'un pèlerinage depuis plusieurs siècles, notamment pour lutter contre l'infertilité.

Situé dans une vallée assez reculée, au nord du village de Queralbs en Catalogne , et au sud-est de Font-Romeu, son accès est difficile en provenance du versant français des Pyrénées, en traversant la montagne par Saillagouse ou Eyne par exemple, et doit se faire à pied. De l'autre côté de la frontière, le meilleur moyen depuis 1931 est de prendre le train à Queralbs. Celui-ci se rend jusqu'au pied de la vallée avec une ligne de chemin de fer classique qui devient ensuite à crémaillère pour pouvoir monter directement jusqu'au sanctuaire, où l'on trouve aussi de nos jours un hôtel.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Notre-Dame de Nuria en hiver


L'article d'Al Galliner commence par nous faire une présentation du site et de son accès depuis Font-Romeu. Puis, le ton devient plus comique s'agissant du récit de nos deux perpignanaises parties en pèlerinage en ce lieu. Le dénouement est surprenant, quoiqu'un peu prévisible, et l'on pourrait penser que le journaliste a inventé cette petite histoire pour les besoins de son article...


Un vœu exaucé

Beaucoup de Roussillonnais connaissent l'ermitage de Font Romeu situé en face Mont-Louis, sur ce bloc de montagnes qui servent de limites naturelles entre la France et l'Espagne. Peu pourtant se sont hasardés à pousser plus loin et les fatigues d'un parcours considérable fait à pied ou à dos d'âne ont fait reculer beaucoup de touristes qui auraient pourtant désiré se rendre à N.-D. de Nuria.
Perché sur une colline du versant occidental des Pyrénées on n'y arrive qu'après avoir parcouru plusieurs forêts impénétrables et avoir successivement gravi plusieurs sentiers qui, sans la moindre exagération, pourraient être comparés au chemin du Paradis.
Mais aussi je vous assure qu'à votre arrivée au lieu de votre pèlerinage, une riche compensation vous dédommage de vos fatigues.
Je ne décrirai pas l'ermitage en lui-même qui, à part son côté pittoresque, n'a rien d'extraordinaire, mais je ne puis m'empêcher de vous parler du panorama dont on jouit de ce point : à vos pieds les profonds ravins surplombés par des rochers énormes couverts ça et là de quelques bouquets d'arbustes sauvages, au fond desquels une eau écumeuse et bouillonnante, se perd à travers les rochers, dont est pavé le lit et parfois se précipite en cascades d'une hauteur prodigieuse.
Un peu plus loin s'étendent d'immenses prairies naturelles se détachant par le vert clair de leur teinte sur le sombre feuillage des forêts de pins ; et comme fond, à tout ce tableau, l'immensité de la plaine catalane et de l'azur de ce beau ciel espagnol.



Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
L'église de Notre-Dame de Nuria

Ce que j'oubliais de dire, c'est que N.-D. de Nuria entr'autres dons, grâces et pouvoirs dont elle dispose peut selon la légende faire disparaître la stérilité. C'est pourquoi beaucoup de jeunes femmes poussées par le désir d'être mères n'hésitent pas à entreprendre cet important pèlerinage ; il est même d'usage d'offrir un ex-voto à la chapelle, de fourrer sa tête dans une immense marmite en même temps que la main agitant une corde fait sonner une cloche placée au-dessus.
La légende prétend que la Vierge vous accorde autant d'enfants que la cloche produit de tintements.
C'est ce motif qui avait engagé deux dames de notre ville, d'aller à N.-D. de Nuria ; belle-mère et belle-fille qui vivaient en parfaite harmonie, chose extraordinaire, mais auxquelles il manquait un beau bébé pour être au comble de leur bonheur ; cette intention fut communiquée au mari qui quoique un peu sceptique ne fit aucune opposition.
Dans un élan de générosité, égalant son désir de posséder un fils, la belle-fille promit de sacrifier à la Vierge sa parure de fiancée, écrin d'une grande valeur.
L'époque fixée pour le pèlerinage arriva et tout fut disposé pour le départ ; les effets d'hiver furent bourrés dans une malle et enfin on alla prendre la parure qui devait faire exaucer, avec leurs prières, le vœu des deux pèlerines.
On l'examina encore et la fille avait déjà fermé l'écrin, avec un soupir de regret quand la belle-mère le lui reprit lui disant qu'il était vraiment dommage de sacrifier cette parure à laquelle elle tenait tant. J'ai encore dit-elle une parure de noce, nous pourrons la substituer à la tienne et je crois que notre vœu sera tout de même accompli.
Comme on le comprend bien cette combinaison fut bien accueillie de la belle-fille qui du reste comme toutes les femmes, tenait beaucoup à ses bijoux et qui ne se séparait pas de ceux qui lui étaient le plus agréables sans beaucoup de regrets.
Le voyage s'effectua heureusement, on arriva sans encombre à l'ermitage, et après un séjour d'un jour pendant lequel on fourra la tête dans la marmite légendaire, on revint à Perpignan le cœur plein d'espoir et l'âme ravie par le panorama qui avait défilé sous leurs yeux pendant le parcours.
Quelques mois après, leurs vœux furent pleinement exaucés, quand je dis pleinement ce n'est pas tout à fait le mot, car un bébé était attendu ; mais comme la belle-mère avait fait le sacrifice de sa parure, ce fut elle qui eut les profits de la situation en donnant à la famille un superbe poupon.

R. R.


Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
La marmite et la cloche


Post-scriptum
Je me suis moi-même rendu dans ce sanctuaire en janvier 2015, en tant que simple touriste, pour m'y retrouver coincé dans l'hôtel à cause d'une tempête de neige. Malgré un cadre magnifique, je dois confesser que l''ambiance y était alors tout à fait digne de celle que l'on retrouve dans le film Shining. Il ne manquait que Jack Nicholson... et une fois le calme revenu je me suis donc dépêché de revenir à la civilisation. Sans doute devrais-je tenter d'y revenir un jour à la belle saison.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Ambiance Shining dans l'hôtel de Nuria...


Source : Al Galliner du 1er avril 1883 [domaine public], via le fonds numérisé de la Médiathèque de Perpignan.
Photos : Fabricio Cardenas [cc-by-sa]



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