jeudi 11 juin 2015

Quête insistante du curé de Rasiguères en 1887

Vue générale de Rasiguères
Parmi les nombreux journaux républicains et anti-cléricaux de la fin du XIXème ou du début du XXème siècles, le quotidien parisien de La Lanterne ne manque jamais une occasion de se moquer des curés de campagne, ainsi que nous l'avons déjà vu concernant le curé de  Théza en  1900. Cette fois-ci, l'article paru dans l'édition du 18 avril 1887 ridiculise le curé de Rasiguères, petit village du Fenouillèdes peuplé à l'époque d'un peu plus de 300 habitants (le double de la population actuelle). Le journal ne mentionne jamais par quel moyen il a vent de ces histoires de campagne : parfois les faits sont empruntés à la presse locale ou même envoyés directement par un lecteur du journal, trop heureux de faire de son curé un sujet de plaisanterie à travers le pays. Dans un cas comme dans l'autre, nous n'avons bien sûr qu'une version de l'histoire.

Perpignan, 16 avril. - Pour alimenter le denier de Saint-Pierre et aussi « pour faire des curés » (textuel), le desservant de Rasiguères se livrerait, volontiers, à une scène de pugilat.
Voici ce qui s'est passé le dimanche, 10 avril courant, dans l'église de cette dernière commune :
Pendant la messe, à un moment donné, deux ou trois paroissiens se lèvent, prennent des assiettes et vont, le curé en tête, présenter ces plats à chaque assistant. Il paraît que la recette n'était pas abondante, et c'est alors que le curé, n'y tenant plus, apostropha en ces termes chacun des assistants : « Toi, donne-moi un sou !  Toi, donne-moi deux sous pour avoir mangé de la viande pendant le carême », et ainsi de suite. Il est ainsi arrivé en présence du sieur X..., instituteur en retraite, et lui a demandé un sou. « Je n'en ai pas », a répondu X... « Vous n'avez donc pas d'argent ? » a ricané le curé. Pour toute réponse, X... lui a montré une pièce de 5 francs. Interdit, notre mendiant a continué sa ronde. Mais, il a vite été remis. « Allons, jeune homme, un sou, tu fumeras un cigare de moins ! Allons, petits, des sous ! des sous ! des sous ! »
Les assistants, d'abord abasourdis par le toupet de leur cher pasteur, sont revenus à eux, et une rumeur sourde s'élevait, prélude d'une émancipation prochaine, quand soudain notre fougueux curé, déboutonnant sa soutane, s'est écrié :
« Si quelqu'un d'entre vous a une dent de lait contre moi, qu'il vienne me trouver ; ici ou ailleurs, je saurai lui répondre. » Ce coup de théâtre lui a pleinement réussi. Aucun des assistants n'a relevé le défi, et les brebis galeuses sont rentrées au bercail ! N'aurait-il pas eu raison de dire que le curé de Rasiguères est un vrai batailleur ?
Si j'avais un conseil à donner aux habitants de cette localité, surtout à ceux qui se disent républicains, je leur dirais : « Restez chez vous, ainsi que vos femmes et vos enfants, et laissez le curé tranquille dans son église, vous ne courrez pas ainsi le risque d'être provoqués, et vous ferez acte de liberté et d'indépendance. »

Note : L'église de Rasiguères, dédiée à saint Jean-Baptiste, est récente (sans doute à l'emplacement d'une église plus ancienne dont il ne reste rien) et date des XVIII et XIXème siècles.

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concernant les Fenouillèdes ou les curés !

Source : Article paru dans La Lanterne du  18 avril 1887, via Gallica (cf. lien) [domaine public]
Photo : Babsy, via Wikimedia Commons [CC-BY 3.0]

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