Caixas, une commune jugée arriérée mais en progrès
On peut lire dans le Bulletin de l’enseignement primaire du département des Pyrénées-Orientales du mois de mars 1882 un rapport de l'inspecteur primaire auprès de l'inspecteur académique à propos de l'école de Caixas, petite commune des Aspres peuplée à l'époque d'un peu plus de 300 habitants (pour seulement 137 en 2013).
Les mots sont à la fois sévères, puisque notre inspecteur ne se prive pas de traiter la population de Caixas de « plus arriérée de l'arrondissement », mais en même temps plein d'espoirs du fait des progrès que ne manqueront pas de faire les enfants de la commune grâce au zèle sans limite de leur instituteur, que l'on imagine sans peine en digne représentant de ceux que l'on appellera un peu plus tard les « hussards noirs de la République ». Et en prime, celui-ci innove : il est en effet le premier instituteur du département à organiser des promenades scolaires. Il s'agit bien sûr, nous dit-on, d'apprendre à ces rustres enfants de paysans à enfin voir et comprendre le monde qui les entoure, dont ils ignoraient tout jusque là.
Monsieur l'Inspecteur,
J'ai l'honneur de vous transmettre, et je suis sûr que vous lirez avec intérêt le rapport ci-joint de M. Bataille, instituteur à Caixas.
Il y a trois ans, Caixas passait, non sans raison, pour la commune la plus arriérée de l'arrondissement. Située en montagne, et composée d'habitations éparses, elle semblait, cette pauvre commune, devoir rester longtemps réfractaire au progrès. Grâce au zèle intelligent d'un jeune et modeste instituteur, elle a aujourd'hui une excellente école, une bonne bibliothèque et l'honneur de voir la première, s'organiser les promenades scolaires.
Ce que M. Bataille obtient à Caixas, ses collègues peuvent l'obtenir partout ailleurs, plus facilement que lui, pourvu qu'ils le veuillent. J'espère que l'exemple du jeune instituteur sera bientôt généralement suivi. J'espère que bientôt chaque école aura sa bibliothèque et aussi que bon nombre d'instituteurs auront organisé ces promenades scolaires du jeudi, si chères aux enfants, si fructueuses pour leur cœur et leur intelligence, quand elles sont bien dirigées.
Apprendre aux fils de laboureurs à voir la campagne, à en sentir le charme, à en comprendre la merveilleuse harmonie, c'est leur rendre un inappréciable service, plus grand peut-être que celui de leur apprendre à lire dans les livres des hommes. Et cela s'apprend, sans qu'il y paraisse, dans les promenades scolaires, conduites par un maître intelligent et dévoué. Je le sais par expérience ; je l'ai vu dans un pauvre arrondissement des Alpes. Les instituteurs du superbe Roussillon, sauront, comme M. Bataille, se mettre au niveau et même au-dessus de leurs collègues de l'Est.
Veuillez agréer, M. l'Inspecteur, l'hommage de mon respectueux dévouement.
L'inspecteur primaire,
S. Boiron
Perpignan, le 19 mars 1882.
Note : Il n'y a plus de nos jours d'école à Caixas et en 2015-2016 les douze écoliers originaires de cette commune sont inscrits dans les écoles de Llauro et Tordères. Sans doute font-ils encore des promenades !
Sources :
* Bulletin de l’enseignement primaire du département des Pyrénées-Orientales du mois de mars 1882 [domaine public] (via le fonds numérisé de la Bibliothèque municipale de Perpignan)
* Site internet de la commune de Tordères, section Ecoles.
Un autre article sur Caixas est à relire ici.
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