Les élections cantonales semblent avoir été agitées dans le canton de Céret en 1858. Le maire de Céret est destitué, des bulletins sont brûlés pour vote avant l'heure à Las Illas, on condamne des gens un peu partout, et la sous-préfecture soutient son candidat officiel. L'élection est contestée et finalement annulée l'année suivante ainsi que l'explique l'arrêt du Conseil d'État daté du 24 mai 1859. Toutes les circonstances y sont expliquées, faisant ainsi que ce texte à première vue un peu aride mérite d'être lu jusqu'au bout.
Note : Jean Fortagut devient président du Conseil municipal (pas de maire à ce moment là précis) en 1850 puis maire en 1851. Révoqué en 1856, il semble avoir retrouvé sa place puisque c'est lui qui préside les élections à Céret en 1858. Il est remplacé en 1860 par Henri Latouche.
ÉLECTIONS DÉPARTEMENTALES. — CONSEIL GÉNÉRAL. — MAIRE PRÉSIDENT DE
COLLÈGE ÉLECTORAL.— ARRÊTÉ DE SUSPENSION. — LIBERTÉ DES VOTES.
La liberté des votes n'ayant pas été suffisamment garantie, les opérations
électorales sont annulées (1).
(29,755. - 24 mai. El. de Céret. - MM. David, rap.;.Leviez, c. du g.; de Saint-Malo, av.)
Vu LA REQUÊTE présentée par le sieur Fortagut, ancien maire de Céret,... tendant à ce qu'il nous plaise annuler—un arrêté du 28 juin 1858, par lequel le cons. de préf. des Pyrénées-Orientales a rejeté la protestation qu'il avait faite contre les opérations électorales qui ont eu lieu les 12 et 13 juin précédents, dans le canton de Céret, pour la nomination d'un membre du conseil général; — Ce faisant, annuler lesdites opérations, attendu que le sieur Fortagut, qui se présentait comme candidat pour le conseil général et qui avait présidé le 12 juin, en sa qualité de maire de Céret, l'assemblée électorale de cette ville, aurait été suspendu dans la soirée de ses fonctions de maire par un arrêté du préfet fondé uniquement sur la conduite tenue par le sieur Fortagut comme président de l'assemblée électorale, et que cet arrêté porté, dans la matinée du lendemain, à la connaissance des différentes communes du canton, par l'administration qui était jusque-là restée neutre entre les deux candidats, aurait eu pour effet de reporter sur le sieur Vilar, concurrent du sieur Fortagut, un grand nombre de voix précédemment acquises à ce dernier, et de changer ainsi le résultat de l'élection ;
Vu la protestation présentée, le 18 juin 1858, par le sieur Fortagut et par 5 autres électeurs du canton de Céret contre l'élection du sieur Vilar (Courret-Jacques) comme membre du conseil général;
Vu... (défense du candidat élu) ;
Vu les observ. de notre Min. de l'int.;...
Vu l'arrêté du 12 juin 1858, par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a suspendu le sieur Fortagut de ses fonctions de maire de Céret à raison de la conduite qu'il avait tenue comme président de l'assemblée électorale de cette ville ;...
Vu le certificat du 20 juin 1858, par lequel le maire de la com. de Boulou fait connaître que, le 15 juin 1858, avant l'ouverture des opérations électorales, il a fait afficher en quatre exemplaires et à des lieux apparents la dépêche qu'il avait reçue de la sous-préfecture et qui leur annonçait la suspension du sieur Fortagut de ses fonctions de maire de Céret ;
Vu le certificat du 22 juin 1858, par lequel les membres du bureau de l'assemblée électorale de Las-Illes font connaître que, le 15 juin 1858, peu de temps après l'ouverture du scrutin, les sieurs Joseph Comes et Jean Justafré, de Céret, sont venus remettre au maire une lettre du sous-préfet qui lui annonçait que le sieur Vilar était le candidat de l'administration, et lui ont fait remarquer qu'il avait fait commencer les opérations électorales avant l'heure fixée pour l'ouverture du scrutin ; que, sur cette observation, le maire de Las-Illes a retiré de l'urne les 15 bulletins qui y avaient été déposés, les a brûlés sans les ouvrir et a fait recommencer les opérations électorales ;
Vu le jugement du 10 juillet 1854, par lequel le tribunal de police correctionnelle de l'arrond. de Céret a condamné à huit jours d'emprisonnement et à 100 fr. d'amende le sieur Antoine Fite, membre du bureau de l'assemblée électorale de la com. de Saint-Jean-Pla-de-Cors, pour avoir, le 15 juin 1854, par voies de fait et violences, influencé les votes ; — Vu l'arrêt du 25 août 1858,
par lequel la Cour impériale de Montpellier a annulé le jugement susvisé du tribunal de Céret et a relaxé Antoine Fite de la plainte portée contre lui ;
Vu le jugement du 13 nov. 1858, par lequel le tribunal de police correctionnelle de l'arrond. de Perpignan a relaxé les sieurs Fortagut, Potau, Delmas et de Sirieix des poursuites dirigées contre eux comme ayant, le 12 juin 1858, dansla ville de Céret, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur de la salle, où il était procédé à l'élection d'un membre du conseil général, par des clameurs ou des démonstrations menaçantes, troublé les opérations électorales et porté atteinte à l'exercice du droit électoral et à la liberté du vote; — Vu l'arrêt du 14 déc. 1858, par lequel la Cour impériale de Montpellier a confirmé le jugement susvisé du tribunal de Perpignan ;
Vu la loi du 22 juin 1833, art. 36 et 37 ; le décret du 2 fév. 1852, art. 11 et 13; la loi du 7 juillet 1852, art. 5, et la loi du 5 mai 1855, art. 2 et 50 ;
CONSIDÉRANT qu'il résulte de l'instruction que, dans les circonstances où il a été procédé à l'élection d'un membre du conseil général pour le canton de Céret, la liberté des votes n'a pas été suffisamment garantie ; que, dès lors, il y a lieu de déclarer nulles les opérations des 12 et 15 juin 1858 ;
Art. 1er. L'arrêté du cons. de préf. des Pyrénées-Orientales, du 28 juin 1858, est annulé.— Art. 2. Les opérations électorales qui ont eu lieu les 12 et 13 juin 1858, dans le canton de Céret, pour la nomination d'un membre du conseil général, sont annulées.
(1) M. le commissaire du gouvernement a déclaré que les griefs articulés lui paraissaient graves. Le préfet avait le droit de suspendre le maire et même de publier l'arrêté de suspension. Mais ce qui est regrettable, c'est l'intervention du préfet ou du sous-préfet dans le collège électoral pour y donner des ordres. La liberté du président doit toujours être respectée. Or, il n'est pas douteux que ce principe a été méconnu ici par les représentants de l'autorité supérieure. —
M. le commissaire du gouvernement conclut à l'annulation.
Source : Gallica
Photo : Fabricio Cardenas [CC-CY-SA]
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