En janvier 1938, l'Espagne est en pleine guerre civile. Le camp nationaliste, sous l'autorité de Franco, n'a pas encore pris la Catalogne (Barcelone ne tombera qu'un an plus tard) et les républicains viennent de reprendre Teruel en Aragon quinze jours plus tôt. Dans l'épisode narré ci-dessous, l'aviation nationaliste vient bombarder pour la première fois, en ce 23 janvier 1938, les positions républicaines situées à Puigcerdà en Cerdagne, près de la frontière française. Seul un pont enjambant le Rahur, un petit affluent du Sègre, sépare Puigcerdà de Bourg-Madame et l'Espagne de la France, il y a alors forcément des dégâts collatéraux sur le sol français, notamment à Bourg-Madame, Osséja et Angoustrine.
L'ancien poste de douane entre Puigcerdà et Bourg-Madame |
L'Ouest-Éclair (Éd. de Caen), 24 janvier 1938
Au cours du bombardement de Puigcerda
des projectiles tombent en territoire français
Perpignan, 23 janvier. - Cet après-midi, deux groupes d'avions nationalistes comprenant quatorze appareils, dont dix de chasse, ont survolé Puigcerda qu'ils ont bombardé pendant vingt minutes.
Les avions ont lâché une trentaine de bombes. L'une d'elles a atteint un hôtel où un certain nombre de personnes ont été tuées.
Divers bâtiments de la gare ont été détruits, ainsi qu'une ferme située à proximité. Les avions ont survolé le territoire français à deux reprises. Des bombes sont tombées à Osseja où deux gardes mobiles français en surveillance à la frontière se sont jetés sur le sol pour ne pas être atteints.
La population de Puigcerda, qui était bombardée pour la première fois, a été prise de panique et s'est enfuie vers la localité française de Bourg-Madame, située à quelques centaines de mètres, où les blessés ont reçu les premiers soins. On ne signale aucun blessé dans les villages français.
Des dégâts sur le sol français
Perpignan, 23 janvier. - Au cours du bombardement de Puigcerda, on confirme qu'un des projectiles a atteint l'hôtel Terminus, tuant plusieurs personnes. On ignore le nombre exact des morts.
Une dizaine de bombes sont tombées sur le sol français, dans des champs, sans faire de victime. Un projectile a démoli la guérite de deux gardes-mobiles français entre Bourg-Madame et Osseja. Plusieurs magasins de Bourg-Madame ont eu leur vitrines défoncées par la proximité des déflagrations.
Plusieurs blessés espagnols ont été soignés par M. Cazals, pharmacien, maire de Bourg-Madame.
Les gouvernementaux ont riposté avec leurs canons antiaériens, sans résultat, mais un de leurs obus est tombé près du village français d'Angoustrine, sans éclater.
Quelques remarques sur ces événements :
Puigcerdà semble avoir été bombardée du fait de la présence de troupes républicaines dans les environs. Toutefois, le maire de Puigcerdà, initialement à gauche, semble ensuite avoir pris parti pour les nationalistes suite au massacre du 9 septembre 1936 de 22 habitants de la commune par les anarchistes de la FAI. De nombreux Puigcerdans avaient alors trouvé refuge chez leurs parents installés du côté français à Bourg-Madame, dont le maire Thomas Casals (et non Cazals), élu en 1930, était lui-même un cousin du maire de Puigerdà, Jacques Cadefau, élu en 1931. On comprend alors mieux le détail de l'article signalant les soins prodigués par le maire de Bourg-Madame auprès des habitants de Puigcerdà. Thomas Casals finira lui aussi par se radicaliser à droite, allant jusqu'à saluer la victoire de Franco et rejoindre la Milice pétainiste, tandis que deux de ses fils participeront même à l'opération punitive du village de Valmanya, à la suite de laquelle plusieurs habitants et le résistant Julien Panchot trouvèrent la mort.
Article de L'Ouest-Éclair : Gallica (cf. lien)
Remarques : André Balent, La mémoire des Première et Deuxième guerres mondiale à Bourg-Madame (Pyrénées-Orientales). Réflexions autour d’un monument aux morts in Le Midi Rouge, n°12, décembre 2008, p19-25
Photo : Occitandu34 (CC-BY-SA via Wikimedia Commons)
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