vendredi 17 février 2017

Mort de Monseigneur Gaussail à Perpignan en 1899

Un président et un évêque de vie à trépas

Monseigneur Noël Gaussail, originaire du Tarn-et-Garonne, est nommé évêque de Perpignan en 1886, après avoir été brièvement évêque d'Oran. Sans doute moins populaire que son successeur, Jules Carsalade du Pont, il restera tout de même à cette charge treize années durant. Il aura notamment consacré quelques églises, dont celle de Pézilla-la-Rivière, fait restaurer le maître-autel de la cathédrale de Perpignan et même publié un catéchisme en catalan en 1898.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Mgr Gaussail, alors évêque d'Oran, en 1884


Le journal Le Roussillon du samedi 18 février 1899 nous apprend sa mort subite la nuit de la veille, précisément à minuit passé de vingt minutes. Si l'on peut être surpris de prime abord de ne trouver cette information que sur une colonne en page 3, le fait s'explique en réalité aisément, Monseigneur Gaussail ayant eu la mauvaise idée de mourir le lendemain de la mort du Président de la République d'alors, Félix Faure. Ce dernier, supposément mort d'une « attaque d'apoplexie foudroyante » (selon le communiqué officiel), aurait en fait d'après la rumeur été retrouvé mort tenant la tête de sa maîtresse entre ses jambes. Il n'en fallait pas plus pour déclencher les moqueries des journaux de l'époque et susciter nombre de plaisanteries restées célèbres, relatives à la fois à sa vanité et à ses aventures extra-conjugales (dont le fameux « Il voulait être César, il ne fut que Pompée »). Rien de tout cela malgré tout dans Le Roussillon, journal catholique et royaliste, qui se contente alors de simplement relater les faits.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Félix Faure, mort un jour avant Mgr Gaussail


Voyons donc ce que nous dit le journal du 18 février sur la mort de Monseigneur Gaussail.

Mort de S. G. Mgr Noël Gaussail
évêque de Perpignan

La mort vient de frapper un terrible coup au milieu de nous. Notre bien-aimé Evêque et Père en Dieu, Monseigneur Gaussail nous a été ravi dans la nuit de jeudi à vendredi, quelques instants après minuit.
La nouvelle s'est bien vite répandue, dès les premières heures, dans les rues de notre ville, et y a produit un véritablement sentiment de stupeur. On ignorait que Monseigneur fût souffrant, et rien ne faisait prévoir un dénouement si proche. Il avait assisté mardi dernier à la séance dramatique, donnée à l'Institution Saint-Louis-de-Gonzague ; le jour même de sa mort il devait célébrer la Sainte Messe pour les dames de l'Œuvre des Catéchismes, à qui il avait donné rendez-vous dans sa chapelle.
La mort est venue brusquement, presque à l'improviste.
Depuis Noël, Monseigneur se sentait fatigué : il souffrait de douleurs dans la région du cœur ; le mal lui laissait toute liberté pour vaquer à ses occupations, mais l'empêchait de marcher.
Voilà pourquoi Monseigneur n'avait plus paru à la Cathédrale depuis les fêtes de la Noël. Cet état de santé n'inspirait cependant pas pour le moment de graves inquiétudes. Jeudi soir, Monseigneur s'était couché comme d'habitude.
Vers minuit, il fut réveillé par la douleur, et il comprit que sa dernière heure était venue.
Il appela auprès de lui le personnel de l'Evêché. Monsieur le chanoine Rabaud, secrétaire général, arriva le premier, et entendit la confession du Prélat. M. le Chanoine offrit de lui donner l'Extrême-Onction. « Oui, répondit Monseigneur, qui a sans cesse conservé le calme devant la mort, oui, et hâtez-vous... hâtez-vous, a-t-il ajouté une seconde fois, car je vais mourir. » Après avoir reçu les sacrements, Monseigneur rendit son âme à Dieu. Il était minuit vingt minutes.
MM; les vicaires généraux, et M. le Supérieur du Grand-Séminaire, appelés en toute hâte, arrivèrent après l'issue fatale.

Le corps de Monseigneur repose en ce moment dans sa chambre. Après l'embaumement, il sera exposé dans une chapelle ardente, où les fidèles pourront venir prier pour le repos de son âme.
Les obsèques sont fixées à mardi prochain à 9 heures du matin.

(Semaine Religieuse)


F.I.


Le numéro du lundi 20 février 1899 nous donne quelques détails sur le protocole et l'itinéraire du cortège funèbre, jusqu'à la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Perpignan.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
La cathédrale de Perpignan


(...) Le glas funèbre sera sonné chaque jour dans toutes les églises [du diocèse], après l'Angelus, jusqu'à mercredi inclusivement.

Départ de l'Evêché à 9 heures. La tête du cortège étant arrivée devant le palais épiscopal, continuera sa marche par les rues Mailly, Porte-d'Assaut, place Arago, rue Alsace-Lorraine, place Laborie, rue de la Loge, place de la Loge, rue Saint-Jean, place d'Armes.

La cérémonie sera présidée par Mgr Mathieu, archevêque de Toulouse, assisté de Nos Seigneurs de Cabrières, l'éminent évêque de Montpellier, Rougerie, évêque de Pamiers, Enard, évêque de Cahors, Germain, évêque de Rodez, l'Abbé mitré de la Trappe.


Le numéro du mardi 21 février 1899 donne le compte-rendu détaillé des dites obsèques. On retiendra notamment qu'était présente « une foule énorme », où figuraient notamment toutes les catégories de personnel religieux du département, de très nombreux fidèles, ainsi que l'essentiel des notables et des personnalités politiques locales.

A la suite des premiers cortèges religieux venait « (...) le char funèbre traîné par quatre chevaux noirs carapaçonnés, tenus en main. » L'un des quatre cordons était tenu par le maire de Perpignan lui-même, Louis Caulas.

Le portail extérieur de la cathédrale ainsi que tous les espaces intérieurs étaient drapés de noirs, produisant un effet saisissant sur l'assistance, accentué par la puissance et la gravité des grandes orgues durant la messe.
Monseigneur Gaussail fut inhumé au sein de la cathédrale.

Sources : Le Roussillon des 18, 20 et 21 février 1899 [domaine public], via le fonds numérisé de la Médiathèque de Perpignan.
Portrait Noël Gaussail : Gravure anonyme (1884) [domaine public]

Portrait officiel Félix Faure : Pierre Petit (1832–1909) [domaine public]
Photo cathédrale : Alkhimov Maxim [cc-by]




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