Nous avions pu lire dans un article précédent un rapport fait par le journal catholique et royaliste L'Espérance du 4 janvier 1882 concernant le maire de Pollestres. Celui-ci était accusé d'avoir édicté en décembre de l'année passée un arrêté municipal interdisant les processions religieuses sur le territoire de sa commune.
Dix jours se sont écoulés et le maire de Pollestres décide de répondre au journal. Le citoyen Janer, c'est son nom, est à la fois un boucher de métier et un athée convaincu. Il profite de l'espace qui lui est alloué pour insulter le journal, les pratiques religieuses traditionnelles et les costumes des curés (qu'il voudrait enfermer dans leurs églises). Bien sûr, le journal ne se prive pas non plus de répondre à ce courrier virulent.
Il n'est pas sûr, de nos jours, que l'on arrive à trouver beaucoup de maires aussi intransigeants face à la religion...
Un maire qui offre l'hommage
de son athéïsme
La commune de Pollestres possède 579 habitants, et un maire du nom de Janer. Ce maire, qui sait à peine signer, nous écrit, en belle écriture, une lettre qui ferait honneur à l'habileté et au savoir du maître d'école, suivant le cœur de M. Paul Bert. Voici cette lettre :
A Monsieur le Directeur de l'Espérance,
Monsieur,
Parmi les mesures hygiéniques que je m'impose, et dont je recommande l'observation à mes administrés, figurent en première et en seconde ligne, celles qui consistent à ne pas lire l'Espérance, et à écarter des habitations les tas de fumier.
C'est pourquoi je n'avais pas encore répondu à la note que cette feuille a bien voulu me consacrer dans son numéro du 4 janvier.
Aujourd'hui un ami de Perpignan me communique cette note et je m'empresse de vous accorder la satisfaction, d'ailleurs légitime, que vous réclamez très poliment.
Mon arrêté interdisant les processions a voulu viser, en outre, la manifestation religieuse du samedi saint, qui rappelle à quelques imbéciles le prétendu passage de l'ange exterminateur, et qui est tout à fait pratique pour les curés, lesquels échangent, à cette occasion, une pincée de sel de cuisine contre des œufs de Pâques ou de bons saucissons, donnés et reçus à l'insu des maris.
J'ai voulu prévenir encore d'autres excentricités fort divertissantes, mais je n'ai pas le droit de m'emparer des colonnes de votre journal et je n'en dirai rien.
Pour ce qui est des enterrements religieux, je les interdirais aussi si j'en avais le pouvoir. On serait libre de faire les cérémonies à l'église, mais ni la croix, ni le prêtre vêtu en arlequin n'auraient le droit de parcourir la voie publique... à moins que ce ne fût en carnaval.
Veuillez agréer, monsieur, l'hommage de mon athéisme.
Le maire de Pollestres,
Janer.
Pollestres, le 12 janvier 1882.
A Monsieur le Directeur de l'Espérance,
Monsieur,
Parmi les mesures hygiéniques que je m'impose, et dont je recommande l'observation à mes administrés, figurent en première et en seconde ligne, celles qui consistent à ne pas lire l'Espérance, et à écarter des habitations les tas de fumier.
C'est pourquoi je n'avais pas encore répondu à la note que cette feuille a bien voulu me consacrer dans son numéro du 4 janvier.
Aujourd'hui un ami de Perpignan me communique cette note et je m'empresse de vous accorder la satisfaction, d'ailleurs légitime, que vous réclamez très poliment.
Mon arrêté interdisant les processions a voulu viser, en outre, la manifestation religieuse du samedi saint, qui rappelle à quelques imbéciles le prétendu passage de l'ange exterminateur, et qui est tout à fait pratique pour les curés, lesquels échangent, à cette occasion, une pincée de sel de cuisine contre des œufs de Pâques ou de bons saucissons, donnés et reçus à l'insu des maris.
J'ai voulu prévenir encore d'autres excentricités fort divertissantes, mais je n'ai pas le droit de m'emparer des colonnes de votre journal et je n'en dirai rien.
Pour ce qui est des enterrements religieux, je les interdirais aussi si j'en avais le pouvoir. On serait libre de faire les cérémonies à l'église, mais ni la croix, ni le prêtre vêtu en arlequin n'auraient le droit de parcourir la voie publique... à moins que ce ne fût en carnaval.
Veuillez agréer, monsieur, l'hommage de mon athéisme.
Le maire de Pollestres,
Janer.
Pollestres, le 12 janvier 1882.
L'église Saint-Martin de Pollestres |
Le Républicain et L'Eclaireur ont déjà donné hier cette lettre, mais ce dernier n'a pas voulu faire dire à M. Janer qu'un prêtre est vêtu en arlequin lorsqu'il porte ses habits sacerdotaux, ou bien il n'a pas voulu prendre la responsabilité de cet outrage public à la religion.
Le citoyen Janer est boucher de son état. Il a, dit-on, dans son conseil privé un bourrelier, un menuisier et un certain Ca foll qui serait l'inspirateur et le conseiller ordinaire du citoyen maire. Ces grosses têtes ont délibéré dix jours pour produire cette jolie chose qu'on vient de lire, où l'insolence, la bêtise, l'insulte et l'athéïsme se donnent la main.
Le sieur Janer reconnaît que nous l'avons questionné très poliment ; mais lui cependant ne se croit pas tenu à tant de politesse, il compare l'Espérance à du fumier, il en interdit la lecture à ses heureux administrés. Il leur enseigne que le prêtre officiant est un arlequin et qu'il voudrait pouvoir l'enfermer dans son église. Quel homme que ce M. Janer ! c'est bien le républicain de l'avenir : il salue avec son athéisme ; alors ce sera du propre, surtout si Cafoll est encore là pour le conseiller, pour lui lire le journal, et lui tenir la main.
Il n'est pas nécessaire de faire à M. Janer boucher, maire de Pollestres, l'honneur de discuter plus longtemps de ses sottises, il nous suffit de prendre l'hommage qu'il nous fait de son athéisme et de le repousser du pied.
S. Nobens
Le citoyen Janer est boucher de son état. Il a, dit-on, dans son conseil privé un bourrelier, un menuisier et un certain Ca foll qui serait l'inspirateur et le conseiller ordinaire du citoyen maire. Ces grosses têtes ont délibéré dix jours pour produire cette jolie chose qu'on vient de lire, où l'insolence, la bêtise, l'insulte et l'athéïsme se donnent la main.
Le sieur Janer reconnaît que nous l'avons questionné très poliment ; mais lui cependant ne se croit pas tenu à tant de politesse, il compare l'Espérance à du fumier, il en interdit la lecture à ses heureux administrés. Il leur enseigne que le prêtre officiant est un arlequin et qu'il voudrait pouvoir l'enfermer dans son église. Quel homme que ce M. Janer ! c'est bien le républicain de l'avenir : il salue avec son athéisme ; alors ce sera du propre, surtout si Cafoll est encore là pour le conseiller, pour lui lire le journal, et lui tenir la main.
Il n'est pas nécessaire de faire à M. Janer boucher, maire de Pollestres, l'honneur de discuter plus longtemps de ses sottises, il nous suffit de prendre l'hommage qu'il nous fait de son athéisme et de le repousser du pied.
S. Nobens
Source : L'Espérance du 15 janvier 1882 [domaine public], via le fonds numérisé de la Médiathèque de Perpignan.
Photo bandeau journal : Fabricio Cardenas [cc-by-sa]
Photo église de Pollestres : Sylenius [cc-by-sa], via Wikimedia Commons
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