samedi 31 décembre 2016

Colère du curé de Cerbère en 1885

L'église neuve reste quasiment vide


Nous avions pu lire dans un précédent article les protestations d'un père de famille en mai 1885 à propos d'une nouvelle buvette de Cerbère. Celle-ci présentait la particularité de n'employer que des femmes (ainsi que le permettait un récent arrêté municipal), laissant supposer des activités annexes et bien sûr tout à fait immorales, tout en étant située tout contre l'école du village.

Le journal L'Avenir de Port-Vendres, Collioure, Banyuls nous informe dans son numéro du 31 mai 1885 de la suite de cette histoire. Cette fois-ci, c'est le curé de la paroisse qui décide de se mêler de l'affaire. Le journal en question, républicain et anti-clérical, profite donc de l'occasion pour se moquer du dit curé.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
L'église de Cerbère


Un homme qui n'est pas content du tout, c'est monsieur le curé de Cerbère, et c'est vrai, il y a de quoi !
Maintenant que le voilà en possession d'une église neuve, la clientèle n'arrive pas. Le bondieusard a beau branler sa cloche personne ne vient. C'est désastreux !
La messe réunit jusqu'à sept personnes ; on a vu trois pelées et un galeux au vêpres ; quant aux offices du soir, il n'y a pas d'exemple qu'ils se soient célébrés devant quelqu'un.
Cette situation lamentable a excité le génie inventif du curé de notre village, et voici ce que ce vigilant pasteur a découvert pour la consolation des âmes dévotes.
« Si les fidèles ne viennent pas à mon église, c'est qu'ils vont ailleurs ! Et où donc ? Evidemment dans ces infâmes buvettes servies par des personnes du sexe damnable. Supprimons les buvettes et la foi refleurira. »
Bâcler une pétition fût l'affaire d'une minute. Recueillir des signatures a été une autre guitare !
Malgré les acrobaties du ratichon, il paraîtrait qu'à l'heure où nous écrivons ces lignes, la fameuse pétition a réuni trois signatures, y compris celle du curé et du sonneur de cloches.
Là, se bornera son succès.
Les buvettes à femmes ont été autorisées par l'administration, à condition par leurs gérants, d'observer les réglements de la police.
Ce n'est pas au curé, mais aux agents de l'administration de tenir la main à l'exécution des mesures d'ordre public.
Que M. le curé le sache !
Au cas où il l'aurait oublié, nous serions là pour le lui rappeler.

Guibollaud.


Le curé mentionné dans l'article est Joseph Santol (1853-1923). Il est le premier desservant attitré de la toute nouvelle église Saint-Sauveur, dont la construction avait commencé un an plus tôt et tout juste ouverte (la bénédiction des cloches n'aura lieu que le 14 juin suivant). On comprend alors aisément son désarroi devant le manque d'enthousiasme de la population pour assister à ses offices. Réclamer la fermeture des buvettes licencieuses devient dès lors une étape logique pour ramener les fidèles dans le droit chemin. Notons que le dit curé Santol sera par la suite en grave conflit avec la mairie pour de toutes autres histoires, puis inculpé beaucoup plus tard d'outrages aux mœurs et de traite d'enfants à la suite de ses activités dans divers orphelinats.

Concernant les buvettes tenues par des femmes à Cerbère, l'affaire n'est pas terminée et nous pourrons en lire la suite dans les prochains numéros !

Source : L'Avenir de Port-Vendres, Collioure, Banyuls du 31 mai 1885 [domaine public] (via le fonds numérisé de la Bibliothèque de Perpignan)
Photo de l'église : Bertrand Grondin [cc-by-sa]


Les articles concernant Cerbère sont à relire ici.


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