« L'imposante magnificence du Canigou »
Le massif du Canigou semble avoir pour propriété naturelle de provoquer une impression indélébile sur tous ceux qui le découvrent pour la première fois, ainsi que nous avons pu déjà le voir avec Adolphe Thiers en 1822. Vingt ans plus tard, la vicomtesse de Satgé, aristocrate anglaise, est elle aussi subjuguée et nous livre sa vision du Canigou.Une aristocrate anglaise au Canigou
Mme la vicomtesse Satgé de Saint-Jean, née Caroline Sparkess, est une aristocrate anglaise. Elle ne s'est pas trouvée face au Canigou par hasard. Cosme de Satgé, seigneur de Thoren (ancienne commune du Conflent réunie à Sahorre), et ses fils font des affaires en Angleterre. L'un des fils, Valentin, épouse en 1832 la dite Caroline puis obtient le titre de vicomte. Caroline Sparkess devient ainsi vicomtesse et découvre les Pyrénées-Orientales dont elle décide de faire la promotion. C'est dans un petite brochure illustrée de ses propres dessins et parue en 1842, intitulée Esquisses sur les Pyrénées, où elle y présente les deux extrémités de cette chaîne de montagne, qu'elle nous y parle notamment du Roussillon, de la région de Prades, de Ria-Sirach, de Thoren... et du Canigou. Voyons ce qu'elle nous en dit.
Près des environs de Prades.
Dans toutes mes courses, je n'ai, je pense, rien vu qui égale, mais bien certainement rien qui surpasse l'imposante magnificence du Canigou.
Il est debout, seul, au milieu des riches plaines du Roussillon, le monarque absolu de quelques-unes des plus belles scènes de la nature. Le profond azur d'un ciel espagnol, imprimant sur ses gigantesques masses toutes les chaudes et vigoureuses teintes du Midi, le revêt d'une prismatique et indicible beauté ; et les villages qui nichent à ses pieds dans le sein des bois, et la merveilleuse verdure de ses vallées, baignées par un grand nombre de ruisseaux et de rivières, donnent à sa position un charme incomparable.
Le Canigou s'élève de 8,652 pieds au-dessus du niveau de la Méditerranée, et il fut longtemps considéré comme un des plus hauts points de toute la chaîne des Pyrénées ; mais le Maledetta, qui a 10,772 pieds au-dessus de l'Océan, est maintenant reconnu pour le pic le plus élevé de ces gigantesques fortifications, qui, commençant avec le Canigou, s'étendent comme des remparts entre les deux nations, et forment une chaîne depuis la Méditerranée jusqu'à l'Atlantique.
The Canigou (dessin de la vicomtesse de Satgé) |
Un sommet culminant qui n'en est pas un
Dans son récit, la vicomtesse de Satgé mentionne le Maledetta comme plus haut sommet des Pyrénées. Chacun sait de nos jours que le réel point culminant des Pyrénées est le pic d'Aneto, avec une altitude de 3404 mètres. Hors, celui-ci est justement situé dans le massif de Maladeta, côté espagnol en Aragon. Le pic de Maladeta, avec ses 3312 m, passait jadis pour être le plus haut tandis que l'Aneto, étant moins visible, paraissait plus petit. Le Canigou, quant à lui, est loin derrière avec ses 2784 mètres, mais reste sans conteste le plus majestueux d'entre tous les sommets pyrénéens de par sa situation, ce qui convient bien au titre de « monarque absolu » que lui confère la vicomtesse de Satgé.
Sources :
Esquisses sur les Pyrénées (Sketches among Pyrénées) par Mme la vicomtesse Satgé de Saint-Jean, Paris : Arthus-Bertrand ; Londres : Bossange, Barthès et Lowell, 1842, 14 p. via Rosalis (bib. numérique de Toulouse) [domaine public]
Note sur l'éditeur français de cette brochure : c'est un aïeul du célèbre photographe Yann Arthus-Bertrand.
Infos biographiques : Les Pyrénées-Orientales en 1842 vues par une aristocrate anglaise, par Madeleine Souche, sur le site Maison de l'histoire Languedoc Roussillon Catalogne
Sommets pyrénéens : Articles de Wikipédia correspondants (cf. liens)
Illustrations :
Photo du château de Thoren : photo prise avant 1886 sans doute par Élisée Reclus (1830-1905), via Gallica [domaine public]
The Canigou : Esquisses sur les Pyrénées (cf. supra) [domaine public]
Sur le Canigou vous pouvez aussi relire...
sur ce blog :
* Adolphe Thiers en admiration devant le Canigou en 1822 ;
* L'inauguration du refuge des Cortalets en 1899.
parmi mes anciennes chroniques :
* quatre articles impliquant une araignée, un pyrénéiste anglais, un mirage et l'auteur du Livre de la Jungle.
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